L’alimentation OGM en Tunisie : « Un poison subliminal »

Nour El Houda Chaabane ›
ogm-tunisie

Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations, contrôlez la nourriture et vous contrôlez la population.Henry Kissinger (1970).

La Tunisie a signé le « Protocole de Carthagène » sur la prévention des risques des biotechnologies modernes, notamment la transgénèse, qui connaît un essor rapide sur l’économie et une dissémination irrépressible sur l’environnement depuis le 19 avril 2001 et l’a ratifié, le 14 juin 2002.

Le « Protocole de Carthagène », est désormais un pas important, étant donné qu’il institue un cadre réglementaire et une assise juridique internationaux en la matière, visant à réduire le potentiel des effets secondaires des biotechnologies sur la biodiversité et son utilisation durable.

Néanmoins, et jusqu’à l’heure actuelle, nous n’avons pas de code juridique et institutionnel national qui instaure et structure ce secteur. D’ailleurs, ce qui frappe par rapport au faible débat sur le génie génétique, c’est l’ambiguïté et l’opacité sur l’information accessible à tous. Aujourd’hui, on ne sait même pas si ces produits sont « omniprésents dans nos assiettes » , s’ils sont arrivés sur nos marchés de produits contenant ou issus des organismes génétiquement modifiés (OGM), et s’ils ont déjà envahi nos champs.

OGM : une prouesse biotechnologique

Un OGM -organisme génétiquement modifié- est défini d’après le Dr Khaled Zarrouk, médecin vétérinaire et nutritionniste, comme étant un organisme vivant qui peut être un micro-organisme végétal, animal ou microbien qui a subi une modification non naturelle de ses caractéristiques génétiques initiales par ajout, suppression ou remplacement d’au moins un gène. Toute opération conduisant à l’obtention d’un OGM est appelée transgénèse.

Au départ, la promotion des OGM dans le monde avait pour objectif de lutter contre la malnutrition ; les OGM ont souvent été présentés comme une solution pour nourrir les pays pauvres. Pourtant, ils sont chers et stériles. D’après la revue « Écologie & Politique, n° 38 du mois de Juin 2009 », on estime que les OGM « permettraient ainsi de sauver l’humanité d’une famine prédite par les mêmes cassandres comme inéluctable, avec neuf milliards d’humains à l’horizon 2050 ». Par la suite, on a argué sur leur vertu pour réduire les atteintes à l’environnement et accroître les rendements, étant donné que les agricultures utiliseraient moins d’insecticides et de pesticides, et pollueraient donc moins les terres.

Sous l’égide de leur « exploit » Bio Tech, les industriels des semences transgéniques tentent de les introduire partout dans le monde. Ils ne présentent que les supposés avantages et cachent les éventuels dangers, la perspective factuelle de ces lobbies agronomes étant de contrôler l’agriculture mondiale et de détenir le monopole des semences.

Parmi ces grandes entreprises multinationales on cite : Cargill, Bung, Du Pont, Sygenta, Bayer et surtout « Monsanto, qui détient 90% du monopole sur les semences transgéniques cultivées dans le monde ». Monsanto a inventé la technologie « Terminator », qui modifie génétiquement les plantes pour produire des graines stériles à la récolte, empêchant les agriculteurs de réutiliser les semences pour les forcer à en acheter de nouvelles à chaque saison de culture. Ce géant n’hésite pas à traîner en justice tout agriculteur soupçonné de les utiliser “illégalement”.

La journaliste d’investigation, réalisatrice et écrivaine  française Marie-Monique Robin a réalisé un documentaire-livre, largement répandu dans le monde, dévoilant tous les dépassements du « géant Monsanto ».

En dépit de l’opposition de nombreux Etats, l’essor de l’agriculture productiviste et de l’agrobusiness sont en progression continue. Néanmoins, ce système montre de nombreux signes d’échec : d’une part, l’incapacité à fournir une alimentation saine et sans risque à « toute l’humanité », et d’autre part, la transgénèse est une technique coûteuse, tellement prohibitive et sans effet sur l’amélioration de l’équilibre avec la nature.

Au fil de l’actualité, en Décembre 2014, la Hongrie a pris une position stricte contre les cultures transgénique par la destruction d’une superficie de 400 hectares des champs de maïs OGM de Monsanto.

OGM : Une menace pour l’humanité

Au niveau d’un éventuel danger, les scientifiques pro-OGM ont longtemps démontré que les OGM ne représentaient aucun risque pour la santé humaine. Et cela parce qu’il n’y a tout simplement aucune étude sérieuse qui a été jamais menée.

En revanche, les militants anti-OGM ont fait part de sérieuses inquiétudes quant aux risques potentiels qu’ils peuvent présenter pour la santé: la toxicité et les allergies liées à la présence du gène inséré, le développement de résistance aux antibiotiques, la diminution de la valeur nutritive de certains aliments, la stérilité et encore autant de risques imprévisibles associés à la consommation d’aliments avec OGM.

L’étude qui a été publiée dans la revue Food and Chemical Toxicology en 2012 par Gilles-Eric Séralini, Professeur à l’Université de Caen et pilote de l’étude, a bouleversé toutes les notions et a dévoilé clairement l’arnaque de ces lobbies. Habituellement, les études de toxicité avancées par les industriels se font sur une période de trois mois, par contre la durée de l’étude de Séralini est de 24 mois.

Les rats nourris pendant deux ans avec un maïs OGM « meurent plus jeunes et développent davantage des cancers ; ils sont atteints notamment par des tumeurs mammaires et pathologies lourdes » ; voire une hécatombe.

De surcroit en 2012, la presse russe a publié une étude avec des résultats frappants démontrant que « les OGM stériliseront l’humanité au bout de 3 générations ».

D’un point de vue environnemental, les gènes des OGM se disséminent et contaminent les environs sur un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres. Une fois les transgènes sont dans la nature, on ne peut plus les arrêter. C’est imprévisible, irréversible et incontrôlable.

À la lumière des connaissances actuelles en génétique qui présentent une bombe pour l’industrie OGM, on constate donc visiblement qu’on a manqué de recul sur la question.

La problématique OGM dans le contexte général de la souveraineté alimentaire

Dr Khaled Zarrouk songe qu’on doit évoquer la problématique OGM, étant donné qu’elle s’inscrit, non pas dans le contexte restreint de la sécurité alimentaire, mais plutôt dans le contexte, plus large, de la souveraineté alimentaire. Il présume également que :

aujourd’hui, il faut plutôt parler de souveraineté alimentaire, parce que ce qui est souverain, est forcément sécurisé .

Garantir la sécurité alimentaire, c’est en effet éliminer toutes les situations de malnutrition ou de sous-nutrition comme la famine. Elle désigne, d’après le professeur nutritionniste « la résolution des problèmes liés à la quantité suffisante des aliments et à l’accès à la nourriture ». La souveraineté alimentaire garantit plutôt la qualité de la nutrition et la stabilité des systèmes de production, tout en préservant le monopole des Etats et leur indépendance totale des agro-industriels et des pays tiers.

En Tunisie, nous craignons l’invasion des OGM dans nos assiettes, dans nos marchés et même dans nos champs. Qui peut nous désavouer le libre-échange transgénique et ainsi à l’arrivée des OGM dans nos contrées ? Qui peut nous garantir notre souveraineté alimentaire ?

OGM et opacité autour des informations

Dr Khaled Zarrouk dénonce : « Les informations concernant les OGM semblent être enfermées dans l’enclos du non-dit ».

« Actuellement, aucune information n’est disponible », nous a confirmé Hazar Belli, Ingénieur Principal au sein du Ministère de l’Equipement et de l’Environnement.

Autant d’aliments importés, proviennent des pays producteurs et exportateurs des OGM. Ces produits peuvent être fabriqués avec du maïs, du soja  ou de l’huile de palme génétiquement modifiés, ou encore des produits dérivés d’animaux nourris aux OGM.

Le professeur nutritionniste Khaled Zarrouk a mentionné que « les OGM et les produits alimentaires dérivés d’OGM mis sur le marché, doivent naturellement être soumis à des conditions d’étiquetage et de traçabilité », et qu’ « aujourd’hui on ne peut confirmer notre souveraineté alimentaire de base composée des céréales et des olives ».

Nous avons justement, évoqué la question d’étiquetage et de traçabilité avec Hazar Belli qui assure que :

faute de moyens, nous n’avons aucune mesure de contrôle sur la présence des OGM sur le marché.

Cependant, le développement de cette biotechnologie nouvelle et la propagation des organismes génétiquement modifiés, imposent une stratégie nationale basée sur une prise de conscience collective de l’importance des ressources génétiques locales, du principe de précaution et du respect d’un code de conduite pour minimiser les risques sur la santé humaine et l’environnement.

En effet, et d’après le rapport publié par L’Agence Nationale de Contrôle Sanitaire et Environnemental des Produits (ANCSEP) en 2007, « nos importations de maïs et de tourteau de soja sont majoritairement (70-100%) en provenance de pays producteurs d’OGM ». Cette étude exploratoire a révélé la présence d’OGM dans les produits importés, destinés à l’alimentation animale.

Cette étude prouve aussi que la question des OGM est complètement ignorée depuis 2007 malgré le fait que l’on soit certains que notre chaine alimentaire et nos marchés sont colonisés par les produits OGM.

En riposte à ce propos, Meher Medini, chercheur en biologie moléculaire au sein de la Banque des Gènes de Tunis, nous a affirmé de même qu’ils ont repéré des OGM dans plusieurs aliments importés. Cependant, aucune intervention réglementaire ne peut être faite vue l’absence du cadre juridique. D’ailleurs, il nous a mis l’accent sur les « semences hybrides »*. La souveraineté alimentaire n’est pas relative seulement aux OGM, mais aussi aux semences hybrides qui sont stériles et importées. Nous sommes, par conséquent, dépendants des semences non originaires de notre pays.

Jusqu’à ce jour, aucune mesure concrète de prévention des risques de dissémination des OGM ne semble être prise.

D’après Hazar Belli, et sous le chapeau du « Protocole de Carthagène », qui présente donc une supposée assise juridique reconnue à l’échelle internationale, le ministère vise avancer un projet de loi qui organise le secteur biotechnologique, notamment les OGM, les agents pathogènes et la biosécurité.

Depuis ce protocole, nous avons fait l’extrait d’un projet qui est sous forme de don de 1.4 milliard, qui est actuellement dans sa phase finale qui consiste à l’élaboration d’un document de loi sur la biosécurité en Tunisie : Ce projet de loi ne s’intéresse pas seulement aux OGM, mais il englobe plutôt les OGM, les agents pathogènes et les espèces exotiques envahissantes, affirme Hazar Belli.

Dans ce cadre, nous avons équipé quatre laboratoires : le laboratoire central d’analyse, le centre technique agro-alimentaire, le laboratoire de semences au sein du Ministère de l’Agriculture et le laboratoire au sein de la Banque Nationale des Gènes. Pour être à la pointe, les laboratoires ont été équipés et renforcés pour pouvoir assurer la détection et la quantification des OGM, et les locaux sont organisés pour répondre aux normes internationales en vigueur. Le développement des capacités humaines -qui sont actuellement absentes- et la formation du personnel, sont en cours.

Sur le volet des OGM, nous avons procédé par la mise en place de commissions nationales de biosécurité et bio sûreté qui traitent de l’aspect scientifique, communicationnel et réglementaire.

Pour lors, le « Protocole de Carthagène », présente le seul socle juridique sur lequel nous pouvons bâtir des normes nationales, fondées sur le principe de précaution dans ce domaine.

Il met également en place des mesures de traçabilité, de sécurité et de gestion commune des risques, permettant de se protéger de l’incertitude scientifique entourant ces nouveaux organismes.

À l’instar d’autres pays, l’Union Européenne a exigé l’étiquetage. La Tunisie, dans ce projet de loi qui est en cours, et tout comme la réglementation européenne l’impose, procède à l’étiquetage des aliments qui contiennent plus de 0,9% d’OGM.

Hazar Belli a signalé que la mise en œuvre de cette stratégie, repose sur un plan d’action bien élaboré et implique tous les départements ministériels concernés,  les acteurs de la société et tous les choix opérationnels possibles. « Nous avons également exigé des normes strictes plaçant la barre très haut ».

Cadre réglementaire et juridique

En Tunisie, par manque de ressources, l’évaluation de l’état des biotechnologies laisse ressortir que les recherches en biotechnologie ayant lien avec les OGM ne se sont pas développées au moment propice dans les laboratoires et unités de recherche dans les domaines de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de l’agroalimentaire.

Un développement lent, qui s’avère trop en retard par rapport aux progrès et aux sophistications mondiales de la Bio Tech.

Le dispositif de contrôle, d’évaluation et de gestion des risques des OGM, laissent apparaître un vide juridique, étant donné que « la loi sur la biosécurité n’est toujours pas entrée en force pour permettre l’élaboration des textes réglementaires indispensables pour la gestion du dossier des OGM en Tunisie ».

Nous n’avons pas procédé plus tôt dans ce secteur, parce que nous n’avons pas le personnel qualifié et les laboratoires pour le contrôle des OGM ! On ne peut pas mettre une loi qui n’est pas applicable. C’est tout un chantier qu’il faut franchir, le garde-fou pour moi étant la législation, allègue Hazar Belli.

Sur ce point, la Tunisie doit s’employer à élaborer un texte spécifique aux OGM, à prendre les mesures juridiques, administratives et autres, nécessaires et appropriées pour s’acquitter de ses obligations au titre du « Protocole de Carthagène » d’une part, mais surtout pour protéger la santé du consommateur tunisien, qui n’est même pas au courant du poison qu’il consomme quotidiennement.

Un plan d’action national de biosécurité efficace et harmonieux s’impose alors d’urgence. La mise en place des piliers stratégiques doit faire cohabiter quatre logiques plus ou moins concurrentes et conflictuelles : celles de la science, de la politique, des médias et du public.

Les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) sont présents en Tunisie par le biais de l’importation de produits alimentaires. Le principe de précaution, dans ce domaine, semble être illusoire, même si les incertitudes scientifiques qui demeurent, devraient au contraire, le mettre au cœur du processus d’évaluation.

Et d’ailleurs, cette absence de précaution et ce manque de transparence, font que ce sont les consommateurs qui sont au bout de cette chaîne alimentaire. Alors finalement dans l’histoire, qui sont les vraies cobayes?
L’affaire est donc à suivre.

Hazar Belli insiste sur la parution pour sensibiliser les décideurs et pour que le consommateur soit à l’abri de tout ce qui est flux OGM. Les impacts éventuels des OGM doivent être donc l’affaire des intervenants scientifiques, des décideurs, et des consommateurs qui se doivent de coordonner leurs efforts pour minimiser et maîtriser ces effets. Aujourd’hui, l’agriculture et l’alimentation doivent redevenir l’affaire de tous.

Avec la souveraineté alimentaire, nous souhaitons déterminer les politiques qui orientent un domaine crucial à la vie de chacun d’entre nous : l’alimentation.

Nour El Houda Chaabane

Nour El Houda Chaabane
Nour El Houda Chaabane, Environnementaliste, Écologiste ; spécialiste en Bio-surveillance de l’environnement : Ecologie Marine. http://nawaat.org

اتفاق بين الاردن واسرائيل لتنفيذ ربط البحر الاحمر بالبحر الميت

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عمان ـ أ ف ب ـ وقع الاردن واسرائيل الخميس اتفاقا لتنفيذ المرحلة الأولى من مشروع بناء قناة تربط البحر الاحمر بالبحر الميت الذي قد تجف مياهه بحلول عام 2050.

ووقع اتفاق تنفيذ المرحلة الاولى من المشروع “استكمالا لمذكرة تفاهم وقعت في واشنطن في كانون الاول/ديسمبر 2013، مع الجانبين الفلسطيني والاسرائيلي بحضور دولي رفيع المستوى”، على ما افادت وكالة الانباء الاردنية الرسمية (بترا).

وقال وزير المياه والري الاردني حازم الناصر ان “الأردن سيبدأ خلال الأسابيع المقبلة تحضير وثائق عطاء مشروع ناقل البحر الأحمر – البحر الميت تمهيدا لطرحه للتنفيذ خلال العام الحالي”.

واضاف ان الاتفاق “رسم خطوطا واضحة لمكونات المشروع الرئيسة وطريقة التنفيذ والجدول الزمني (…) وآلية متابعة الأعمال والادارة والتمويل والآثار البيئية والاجتماعية بما يحقق أعلى درجات المصالح الوطنية الأردنية”.

وحضر توقيع الاتفاق ممثلون عن البنك الدولي والولايات المتحدة الاميركية.

ويوفر المشروع للجانب الفلسطيني 30 مليون متر مكعب من المياه المحلاة الصالحة للشرب سنوياز

وبحسب الناصر فان سيتم سحب 300 مليون متر مكعب سنويا من مياه البحر الاحمر في المرحلة الاولى لتصل الى 2 مليار متر مكعب سنويا بعد استكمال المراحل المستقبلية للمشروع.

وقال ان “المشروع يشمل تنفيذ خط مياه لنقل المياه الناتجة عن عملية التحلية ليتم نقلها الى البحر الميت، بما يحافظ على مستواه من الانخفاض كإرث تاريخي عالمي وبطول 200 كلم”.

واوضح انه سيتم “انشاء خط مياه لنقل مياه البحر (الاحمر) الى محطة تنقية وتحلية بطول حوالى 23 كلم سيكون بطاقة حوالى 65 الى 85 مليون متر مكعب من المياه المحلاة سنويا”.

كما سيجري “تنفيذ خط ناقل لتزويد العقبة (325 كم جنوب عمان) بطول 22 كلم وخط آخر الى الجانب الاسرائيلي بطول 4 كلم مع بناء محطتي رفع لضخ المياه الناتجة” الى البحر الميت.

واعلن الاردن في آب/اغسطس 2013 انه سيمضي قدما في تنفيذ المشروع بهدف منع جفاف البحر الميت، البحيرة الطبيعية الاكثر ملوحة على سطح الارض والاكثر انخفاضا في العالم، اضافة الى تأمين مياه محلاة للمملكة التي تعد من اكثر عشر دول في العالم افتقارا للمياه.

وكان ممثلو الاردن واسرائيل والسلطة الفلسطينية اعلنوا في كانون الاول/ديسمبر 2006 اطلاق “دراسة جدوى” لبناء قناة تربط البحر الاحمر بالبحر الميت.

وتشير الدراسة التي اجراها البنك الدولي مع هذه الاطراف الثلاثة الى ان كلفة المشروع الكلية تقدر بحوالى 11 مليار دولار.

ويجري الحديث عن مشروع قناة تصل البحرين الاحمر والميت منذ سنوات طويلة لكن المشروع بقي متعثرا نظرا لجمود عملية السلام في المنطقة.

لكن الانتظار يساهم في خفض منسوب مياه البحر الميت نحو متر واحد سنويا مما يتسبب في مشاكل بيئية خطيرة.

This paper has been published origanaly in  http://www.alquds.co.uk/

مخاطر خفية عن توسيع قناة السويس

Suez canal2

هل أتاكَ نبأ المشروع المصري العملاق الذي يهدف إلى توسيع قناة السويس؟
إن لم تلفت انتباهكَ هيبة الجنرالات العسكريين، بنياشينهم التي ينوء بحملها عنترة، وهم يعلنون عن تدشينه، ربما قرع سمعك صوت المسئولين الحكوميين، بلهجة الحكماء العالمين ببواطن الأمور، وهم يتحدثون عن مزاياه، أو على الأقل اقتحم الإعلام اللحوح عقر بيتك ليكرر على مسامعك ما قاله السابقون وأكثر.. بل ربما تأثَّر قلبك، ودمعت عيناك، على وقع الأهازيج الوطنية وشعارات الانتماء التي تلاحقكَ عبر الراديو والتلفاز أينما حللتَ وحيثما ارتحلتَ.
لكن ما لم يخبركَ به هؤلاء جميعًا – وسلطت الصحف والمواقع والوكالات الأجنبية الضوء عليه – أن لهذا المشروع – بشكله الحالي – وجهٌ بالغ الظلمة؛ ليس اقتصاديًا فقط، بل وبيئيًا أيضًا، فضلاً عن أضرار اجتماعيَّةٍ شديد الوطأة على شريحةٍ أحنى ظهرها تقصير الدولة المزمن..
السطور التالية تستعرض أبرز الانتقادات التي يوجهها الخبراء والمراقبون للمشروع الجديد:

(1) هدم منازل المواطنين، ومصادرة أراضيهم الزراعية، وتهجير مئات العائلات بدون تعويض أو مهلة كافية للبحث عن بدائل للسكنى والعمل
وفي هذا السياق نشر موقع ميدل إيست آي (“قناة السويس الجديدة” تشرِّد أكثر من ألفي شخص في مصر)  تقريرًا أشار إلى “تدمير أكثر من ألف منزل منذ بداية سبتمبر، ومصادرة  أراضٍ زراعية، دون تعويض أو توفير سكن بديل”.
ونقل الموقع التصريح الذي أدلت به شيرين الحداد، محامية بعض العائلات المشردة، لموقع مدى مصر: “لم تعرف هذه العائلات عن الإخلاء إلا قبل أسبوعٍ واحد، وهي فترة قصيرة جدًا. ولم تتلقَّ أي تعويض مادي.  ولم تحصل سوى على الوعود من المسئولين”. مضيفة: “بالإضافة إلى ألفي شخص آخرين مهددين بالتشريد”.
بدورها برَّرت السلطات عمليات الهدم على أساس أن غالبية أراضي شبه جزيرة سيناء مملوكة للجيش والدولة، رغم أن هؤلاء المشردين – بحسب “ميدل إيست آي – يعيشون فوق هذه الأرض منذ قرابة ثلاثة عقود، ظلوا خلالها يدفعون فواتير المياه والكهرباء لمحافظة الإسماعيلية، وهو ما يعني ملكيتهم لها بحسب القانون.
أحد هؤلاء الضحايا يُدعى إبراهيم السيد، وهو مزارع مانجو وأحد النازحين من قرية الأبطال، لم يعلم بقرار إخلاء منزله وأرضه إلا قبلها بعشرة أيام فقط، لم يتمكن خلالها من العثور على مسكن جديد، فكانت النتيجة أنه فقد منزله وأرضه ومصدر دخله.
المفارقة الأكثر إثارة للانتباه أن “إبراهيم” صوَّت، هو وعائلته “لقائد الانقلاب” السيسي، ولا يزال يقول إنه سيصوِّت له مرة أخرى في الانتخابات القادمة. يقول ذلك رغم تصريحه لـ مدى مصر بأنه تقدم هو وأقاربه للعمل في المشروع، لكن المسئولين رفضوا عندما علموا أنهم نازحون من قرية الأبطال.

(2) التسرُّع في بدء تنفيذ المشروع، قبل استكمال ما يكفي من الدراسات
وهو ما أسفر عن ظهور مشكلات فنية لاحقة. وهي الملاحظة التي أشار إليها بيير كاتيو، المسئول في مجموعة ديمي، لـ رويترز، قائلاً: “استغربنا كثيرًا من سرعة طرح المشروع في السوق، وسرعة تسلمُّه، وسرعة تسليمه المرتقب”.

(3) تضخيم جدواه الاقتصادية
فما بين تصريح “السيسي”: “سيشهد المصريون عهدًا اقتصاديًا جديدًا يعتمد على قوة الشعب” وتبشير وزيرة القوى العاملة بحكومة الانقلاب، ناهد عشري، بأن المشروع سيوفر مليون فرصة عمل، وسيطوِّر 70 ألف كيلومتر على جانبي القناة، فضلاً عن استصلاح وزراعة قرابة أربعة ملايين فدان.
لكن في ظل تأكيد نيل ديفيدسون، كبير مستشاري الموانئ والمحطات في شركة دروري للبحوث البحرية ومقرها لندن، أن  “القناة الجديدة لن تؤدي بالضرورة إلى زيادة التجارة، ولكن تطوير المحور وما حوله قد يكون مربحًا”.
لا يوجد تفسير لهذا التضخيم سوى تصريح مسئول في قناة السويس لـ رويترز، ضمن تقريرٍ أعده أوليفر هولمز وستيفن كالين، أن “القناة الجديدة سترفع عائدات قناة السويس من حوالي خمسة مليارات دولار إلى 13.5 مليار دولار”، ليس الآن ولا بعد عامٍ، ولكن “بحلول عام 2023″. أي بعد قرابة عشرين عامًا.
هكذا تتضح الصورة أكثر!

(4) تحديد موعد غير واقعي للانتهاء من المشروع
بالإضافة إلى تصريح بيير كاتيو المذكور في النقطة الثانية، قال وليام مورشيسون، المسئول في Great Lakes: كان التحدي متعلقًا بحجم المشروع وإطاره الزمني. ونقل ستيفن كلين، في رويترز، عن الفريق مهاب مميش، قوله: من أجل إتمام العمل خلال سنة واحدة، كان من الضروري الاستعانة بآلات حفر ضخمة ودولية؛ لأن كمية التجريف الرطبة كانت كبيرة جدًا”.
ونقلت ميدل إيست آي   عن الفريق مهاب مميش أن التكلفة الإجمالية للمشروع ستكون 4 مليارات دولار، وسيكتمل في غضون خمس سنوات. مشيرةً إلى أن القناة الأصلية التي تربط بين البحرين الأبيض والأحمر استغرق حفرها 10 سنوات. وبينما الأصل أن يستغرق المشروع ثلاث سنوات لإنهائه، (شدَّدَ “السيسي” على أن يتم ذلك في عام واحد!).

(5) غياب الشفافية
تحت عنوان “مصر تتعاقد مع ست شركات عالمية لتعميق قناة السويس الجديدة، أشار ستيفن كلين، في رويترز، أن “مميش لم يوفر أي تفاصيل مالية حول العقود”. وكعادة المشروعات التي تشهدها مصر خلال الفترة الأخيرة، أعلن “السيسي” أن القوات المسلحة “ستكون هي المسئولة عن المشروع لأسباب أمنية”. حتى الشركات العشرين الأخرى التي فتح الباب أمام إمكانية مشاركتها، قيدها بقوله: “لكن تحت إشراف عسكري”. ما يجعل المشروع برمته يفتقر إلى الشفافية لـ”دواعي أمنية”.

(6) الأضرار البيولوجية
كما نشرت الصحف الغربية عدة تقارير تشير إلى الأضرار البيولوجية المحتملة لمشروع قناة السويس الجديد، كان آخرها التقرير الذي نشرته الجارديانالبريطانية وأعده مراسلها باتريك كينجسلي، وأشار فيه إلى أن مخطط قناة السويس “يهدد النظام البيئي والنشاط البشري في البحر الأبيض المتوسط”، ونقل عن علماء وباحثين دوليين أن القناة الجديدة تنذر بغزو المزيد من الكائنات البحرية الضارة للبحر المتوسط عبر البحر الأحمر، ويحتمل أن يمتد الضرر المحتمل إلى المنطقة ككل. وذكر أن  18 عالمًا بيولوجيًا طالبوا بالضغط على مصر لإجراء تقييم للآثار البيئية المحتملة جراء توسيع القناة.

وما هذا كله إلا غيضٌ من فيضِ النقد الذي وجهه الخبراء، ووسائل الإعلام الأجنبية المرموقة، مما لن تقرأه في وسائل الإعلام المصرية، التي تعتبر انتقاد المشروع عملاً غير وطني، وتشبهه بالهجوم المفاجئ على دولة الاحتلال الصهيوني عام 1973، أحد أعظم اللحظات في التاريخ المصري الحديث.

عن http://www.elshaab.org/

Egypt: Terrorist attacks increasing

According to Verisk

Peninsule-Sinai

The ongoing crackdown against the Muslim Brotherhood risks pushing political opposition underground, increasing the potential for more frequent terrorist attacks over the coming months. Whilst the government of President Abdul Fatteh al-Sisi’s hard-line security stance has reduced the likelihood of large-scale violent protests for the medium term, terrorist incidents have become more frequent and ambitious under al-Sisi’s time in office – including in Egypt’s major urban hubs.

Rafah

Data gathered for Maplecroft’s Terrorism and Security Dashboard (MTSD) indicates a shift over the past three years towards more frequent and widespread terrorist attacks. One-hundred-and-thirty terrorist attacks were recorded over the 2014/15 period. This marks a more-than fourfold increase in the number attacks on the corresponding 2013/14 period (when there were 29 terrorist attacks in total). There were no recorded terrorist attacks in the corresponding 2012/13 period.

https://www.maplecroft.com/map-of-the-week/

America, Oil, and War in the Middle East

by Toby Craig Jones

Author Affiliations :Toby Craig Jones is an associate professor of Middle East history at Rutgers University, New Brunswick

Readers may contact Jones at tobycjones@yahoo.com.

Let our position be absolutely clear: An attempt by any outside force to gain control of the Persian Gulf region will be regarded as an assault on the vital interests of the United States of America, and such an assault will be repelled by any means necessary, including military force.—Jimmy Carter, state of the union address, Jan. 23, 1980

Middle Eastern oil has enchanted global powers and global capital since the early twentieth century. Its allure has been particularly powerful for the United States. The American romance began in earnest in the 1930s, when geologists working for Standard Oil of California discovered commercial quantities of oil on the eastern shores of Saudi Arabia. In the years that followed, enchantment turned into obsession. Shortly after World War II it became clear that oil was more than merely a coveted industrial commodity. The most visible and celebrated event in that history occurred when Franklin D. Roosevelt hosted ‘Abd al-‘Aziz Ibn Saud, the founding monarch of Saudi Arabia, aboard the USS Quincy on Egypt’s Great Bitter Lake in February 1945. The meeting permanently linked Middle Eastern oil with American national security. It also helped forge one of the twentieth century’s most important strategic relationships, in which the Saudis would supply cheap oil to global markets in exchange for American protection. A bargain was made. And so too was a future tinderbox.1

Oil-well

Over the course of the twentieth century, preserving the security not just of Saudi Arabia but of the entire Persian Gulf region and the flow of Middle Eastern oil were among the United States’ chief political-economic concerns.2 The pursuit of American power in the Gulf has been fraught with peril and has proved costly in terms of both blood and treasure. Oil has flowed, although not without difficulty. Since the late 1970s the Gulf has been rocked by revolution and almost permanent war. Security, if measured by the absence of conflict, has been elusive, and safeguarding the Persian Gulf and the region’s oil producers has meant increasingly more direct and dearer forms of U.S. intervention.

The U.S.-led invasion of Iraq in 2003 and the American military occupation there represented only the latest stage of American militarism in the Middle East. While more considerable in scale, duration, and devastation than previous military misadventures in the region, the Iraq War was the outgrowth of several decades of strategic thinking and policy making about oil. It is true, of course, that terrorism and especially the attacks of September 11, 2001, helped accelerate the drive to war in 2003, but to focus too much on 9/11 is to overlook and discount the ways that oil and oil producers have long been militarized, the role oil has played in regional confrontation for almost four decades, and the connections between the most recent confrontation with Iraq and those of the past.3 Oil and war have become increasingly interconnected in the Middle East. Indeed, that relationship has become a seemingly permanent one. This outcome was not inevitable; the United States has not only been mired in the middle, but its approach to oil has also abetted the outcome.

It is also important to understand the U.S. emphasis on security, and the contradictions of its approach to it, in a broader regional context. While this essay does not dwell on the U.S.-Israeli relationship, U.S. Persian Gulf policy and America’s relationship with the region’s oil producers were often at odds with the alliance between the United States and Israel. The tensions created by American policies in the Gulf have undermined U.S. claims about pursuing regional security more generally. This contradiction played out most spectacularly during the 1973 oil crisis.4

The Strategic Logic of Militarism

The United States is not the only Western power with a history of war in the oil-rich Persian Gulf. In a rush to secure and expand their own supplies in the region, the British landed an expeditionary force near Basra in what is now Iraq in 1914. By 1918 the British captured Baghdad and ensconced themselves and their allies there, a perch from which they projected power for several decades.5 American ascendance in the Persian Gulf later in the century created a new pattern of militarism and war. Unlike its predecessors, the United States did not wage war out of old-fashioned imperial calculation or ambition. American oil wars have not been about establishing direct control over oil fields nor about liberation or freedom, at least not political freedom for the peoples of the region. Instead, they have primarily been about protecting friendly oil producers. The objective has not necessarily been to guarantee that Middle Eastern oil made its way to the United States, although meeting basic domestic energy needs remained a vital part of the broader calculation. Keeping prices stable (not low) and keeping pro-American regimes in power were central to U.S. strategic policy.

The pattern of militarism that began in the Persian Gulf in the 1970s has partly been the product of American support for and deliberate militarization of brutal and vulnerable authoritarian regimes. Massive weapons sales to oil autocrats and the decision to build a geopolitical military order in the Gulf that depended on and empowered those rulers resulted in a highly militarized and fragile balance of power. And from the 1970s on, oil-producing states have faced repeated internal and external threats, including domestic unrest, invasion, and regional or civil war, or at least the imminent prospect of turmoil. Such instability and conflict has had much to do, of course, with internal political problems, only some of which were the result of outside intervention. But the militarization that began in earnest under the United States’ watch exacerbated and accelerated those uncertainties and helped further destabilize oil-producing states and the region.

The approach of the United States to oil and the Persian Gulf in the late twentieth century was both a sign of its superpower status and a demonstration of its limits. What began as an effort to build up and empower surrogates, client states in the Gulf that would do the bidding of the United States, proved instead to be the gateway for more direct projections of American military power. Jimmy Carter’s warning during his 1980 state of the union address that the United States would use “any means necessary, including military force” to safeguard its “vital interests” in the Gulf has clearly come to pass.6

The late 1960s and early 1970s marked the transformative period in the United States’ approach to security and militarism in the Persian Gulf. In January 1968 the British government announced that it would end its longtime imperial presence in the region and withdraw its political and military resources. The move unsettled American policy makers anxious about a potential power vacuum. Other pressures also began to mount. In the decade leading up to the British announcement, governments of oil-producing countries had already begun to bristle against the dominating and unfair practices of the major oil companies, which had exercised monopolistic control over the means of production and pricing for much of the twentieth century. In 1960 several major oil producers established the Organization of Petroleum Exporting Countries (OPEC) in a gambit to drive prices higher. OPEC achieved little in its early years. The assertiveness of the oil producers would grow by the 1970s, however, as major producers began to nationalize the operations of the oil companies.7

More importantly, contradictions in America’s Middle East security strategy would challenge the nation’s efforts to maintain friendly relations with the region’s oil producers. Historically, the United States struggled to balance its support for Israel with its support for the region’s oil producers, who had long considered the Israel-friendly foreign policy of the United States as an irritant. In 1973 this irritation transformed into outrage during the October War, when Egypt launched a surprise attack on Israeli forces to recapture territory in the Sinai Peninsula. Gulf oil producers were infuriated when the United States helped re-equip the beleaguered Israeli military in the course of battle. Led by Saudi Arabia, Arab oil producers and oil companies orchestrated an embargo of the United States, thereby drying up supply and driving up prices. As a result of the 1973 crisis, the oil-producing countries finally seized direct control over production and pricing mechanisms from the giant Western oil conglomerates, leading to a massive increase in oil revenues for those nations. The embargo and its impact on domestic politics troubled American officials, who struggled to rebuild relations with oil-producing allies. But the anxieties generated by the contradictions of U.S. policies on Israel and oil did not lead to a reconsideration of U.S. regional security policy. Rather, the United States deepened its commitment to the regional order.8

In fact, after the initial shock of the embargo, the rapid spike in prices did not overly trouble American policy makers, who worked to convince leaders in Saudi Arabia, Kuwait, Iran, and elsewhere in the Gulf to reinvest the revenues they were generating from the skyrocketing price of oil in the West by spending some of their newfound wealth on Western products and, most importantly, American weapons. The creation of a weapons pipeline deepened the ties between the United States and Gulf oil producers, but the waves of nationalization did help dismantle a geopolitical framework that had served American oil interests in the past. In that system Western oil companies, in cooperation with their home governments, exercised direct control over Middle Eastern oil. The relationships between these companies and the oil-producer governments were periodically tempestuous, but they were mostly cooperative. Governments of the region fought to achieve a modicum of equity in profit sharing from the sale of oil, but they remained almost entirely beholden to the companies for the extraction, refining, distribution, and sale of petroleum. It was an arrangement that enjoyed the full support of the U.S. government. Companies such as Aramco that operated in Saudi Arabia not only cooperated closely with the U.S. government, but they also often had members of the American political and intelligence communities on their payrolls.9

The convergence of corporate and political interests around oil had profound consequences on the character of political authority in and around the region. The companies helped forge and defend a set of relationships with Arab autocrats that American leaders since Roosevelt have considered vital to the stability of the region. The United States demonstrated its preference for autocrats in 1953, when the Central Intelligence Agency orchestrated a coup to overthrow Mohammed Mossadeq, the democratically elected prime minister of Iran, and bring back Mohammed Reza Shah Pahlavi as ruler. The oil companies did their part to strengthen authoritarians elsewhere in the region. During the 1950s and 1960s U.S. government officials and oil-company executives feared the potential power of Arab nationalists and the possibility that they might nationalize Arab oil and refuse to supplicate to American and Western interests. The companies and the U.S. government considered the possibility of such a scenario a threat to U.S. Cold War and material interests in the Persian Gulf.10

Although direct corporate and U.S. political control over Persian Gulf oil ended in the 1970s, the authoritarian regimes remained. The U.S. government sought to do new kinds of business with them, by arming them and positioning them as surrogates for American interests and power. Richard M. Nixon provided the impetus for the new militarization strategy in 1969 when he articulated a new strategic doctrine. Under pressure to guide the United States out of the quagmire in Vietnam, the Nixon Doctrine called on American allies to bear a greater burden in providing for their own defense. U.S. policy makers observed the doctrine in the Gulf by keeping American military forces “over the horizon.” Without the British present to preserve the Gulf’s balance of power, the United States moved to build up local militaries to maintain regional order. The American government focused primarily on strengthening Iran and Saudi Arabia, propping them up as the twin pillars of the United States’ new regional geopolitical strategy. Between 1970 and 1979 the United States committed to over $22 billion in arms sales to Iran, accounting for roughly three-quarters of all of Iran’s weapons purchases during the decade. Sales commitments to Saudi Arabia were more modest, at just under $3.5 billion for the decade, still a significant amount considering that the United States only started selling weapons to the kingdom in 1972.11

The Perils of Militarization

The consequences of the new militarization policy were considerable. Although the policies were not immediately destabilizing, they did help lay the foundation for the era of violence and insecurity that followed. As militarization became a regional phenomenon, it also emboldened Gulf dictators, who became increasingly assertive and threatening to one another. Rising tensions in the Gulf, most notably between Iran and Iraq, were the result of complicated domestic and regional politics. However, embattled Gulf state leaders sought security through the purchase of billions of dollars worth of weapons, which the American government and the American weapons industry were happy to provide. The result was further massive militarization of the region and a boon for the military-industrial complex. By the end of the decade the largest oil producers in the Gulf were in a full-blown arms race. The Soviet Union pitched in by committing to sell over $10 billion in weapons to Iraq, its main client in the region and the principal rival to Iran. But it was the United States that did the most to facilitate the militarization of the region. Between 1975 and 1979 Iran, Iraq, and Saudi Arabia purchased 56 percent of all the weapons sold in the Middle East and made almost one-quarter of all global arms purchases. Lee Hamilton, a leading Democratic congressman, warned in a 1973 statement on the floor of Congress about the potentially excessive nature of arms sales to the region. He remarked that “the net impression left … is that we are willing to sell just about everything these Persian Gulf states want and will buy.” And buy they did. Iran proved particularly keen to acquire as much high-tech military weaponry as possible. The shah purchased the newest weapons systems available from American manufacturers, including seventy-nine F-14 Tomcat fighter jets, the U.S. Navy’s premier fighter, in 1974.12 By the middle of the 1970s, the American notion of security in the Persian Gulf was based almost entirely on the ability of oil producers to purchase the machines of war.

The militarization of the Persian Gulf exacerbated existing instabilities and hastened an era of regional conflict. During the heyday of arms sales, some U.S. officials and elected representatives grew alarmed. Throughout the 1970s and into the following decade, members of Congress convened regular meetings to flesh out the potential harm of massive militarization in the Gulf. Much of the concern centered on the potential threat that newly armed Arab oil producers posed to Israel. Hamilton cautioned that “the appropriate area for justifiable concerns is in the general policy of pouring lots of sophisticated arms in an extremely volatile portion of the Middle East, known not for exemplary regional cooperation, but instead for a plethora of territorial, ethnic, familial and political disputes over the last several hundred years.”13

Although others shared Hamilton’s anxieties, those responsible for overseeing U.S. policy in the Gulf dismissed those concerns. The warnings expressed by Hamilton and others should have prompted caution, but few policy makers or arms manufacturers were inclined to question the stability of authoritarian regimes that had been longtime allies. Especially after the first oil boom, Gulf oil states seemed even more in command than before. Flush with billions of dollars in new oil revenues by the mid-1970s, the Gulf oil producers went on a decade-long domestic spending spree, throwing money at a range of social, economic, and potential political problems. Regimes in the region committed billions of dollars to modernization and development programs and to the expansion of cradle-to-grave social services.14

The intent of that spending was to redistribute oil wealth as a means to stave off potential restiveness. And the potential for unrest was considerable. Most of the Gulf’s autocrats came to power through conquest, alliances with imperial powers, or both. The preferred clients of the United States, the rulers of Iran and Saudi Arabia, used a combination of coercion and co-option to establish and then maintain their power. But even after decades of rule, neither regime possessed much credibility or legitimacy in the eyes of their citizens. Significant domestic political fault lines were evident in each country. Although most Saudi Arabians and Iranians embraced the new wealth and the services it provided, many continued to bristle against the practices of their rulers. Both regimes assumed that the widespread redistribution of wealth would placate whatever simmering hostilities lurked beneath the surface of Saudi Arabian and Iranian society. Neither engaged in any significant reform or allowed for a greater role for their citizens in government. Saudi Arabia, with a smaller population, became less coercive, although the threat of regime violence was omnipresent. In contrast, the shah in Iran remained a brutal and cruel tyrant. Martin Ennals, the secretary general of Amnesty International, remarked in 1977 that Iran has the “highest rate of death penalties in the world, no valid system of civilian courts and a history of torture which is beyond belief. No country in the world has a worse record in human rights than Iran.”15 Leaders in both countries proceeded as though the spike in oil revenues and their new spending power had allowed them to renew autocracy at home. Their social programs were meant to establish a new deal with the governed, one in which the state redistributed wealth in exchange for complete political quiescence. Many inside and outside Iran and Saudi Arabia assumed that the new social contract and the influx of oil revenues had strengthened the regimes.

In neither Saudi Arabia nor Iran did the bargain hold up. Rather than emerge from the oil boom stronger, both regimes proved vulnerable to significant domestic pressures by the end of the 1970s. Saudi Arabia faced two episodes of unrest in November 1979. In the kingdom’s Eastern Province, tens of thousands of Shi ites rebelled against Saudi rule and especially against their status as second-class citizens. Simultaneously, but in an unrelated event, hundreds of rebels seized and occupied the Mecca Grand Mosque. The rebels, who denounced the Al Saud ruling family as illegitimate rulers, held the mosque for two weeks before being rooted out by a combination of Saudi and French special forces.16

It was the oil-fueled authoritarianism in Iran, however, that proved most vulnerable. Iranian revolutionaries tossed the shah from power in 1979.17The fall of the shah, considered unthinkable by American officials just a few years before, demolished the twin-pillar policy. From the perspective of American policy makers, the revolution radically transformed the balance of power in the region, turning Iran from America’s strategic ally to a menacing rival. Whatever the reality of Iran’s new position in the region, the revolution brought to a dramatic conclusion U.S. reliance on highly militarized local powers as defenders of the Gulf’s regional order. While they would continue to encourage and oversee the militarization of Saudi Arabia and other Arab oil producers in the 1980s and beyond, American leaders lost faith in the idea that local surrogates possessed the political capacity to safeguard U.S. interests. Anxieties that Middle Eastern oil was vulnerable to new Cold War developments also deepened shortly after the fall of the shah, which accelerated the transformation of how the United States would project its power in the region. In December 1979 the Soviet invasion of Afghanistan prompted Carter to make clear America’s deep attachment to the Persian Gulf and U.S. willingness to use militarily force to protect the flow of oil. Even after Carter mapped out a new strategic/military vision for the region, it would not be fully realized for a few years. Nevertheless, it was here that the era of direct American intervention in the Persian Gulf began.

The Long War

The Iranian Revolution not only helped transform the regional order and reshape American policy but it also helped unleash many of the destructive forces that have plagued the Persian Gulf ever since. In September 1980, sensing weakness in Iran and concerned about potential domestic challenges to his power, Saddam Hussein ordered the Iraqi army to launch an invasion of Iranian oil facilities. Fighting between Iran and Iraq persisted until 1988, with hundreds of thousands killed and wounded. The Persian Gulf has been virtually engulfed in war ever since. Of course, American oil policy was not directly responsible for Hussein’s decision to invade Iran. Hussein perceived himself to be beset by a number of domestic and regional challenges that he believed war would resolve.18The considerations that led him down this path were partly pathological, but they were also shaped by the militarization of oil and the region in the previous decade. This intense militarization, the politics of the region’s arms race, and the combination of the increasing boldness of regional powers and their growing paranoia about one another were central to Hussein’s calculus for war.

While the United States claimed to have been caught off guard by Iraq’s invasion of Iran, many U.S. policy makers came to see a continuation of the war as a useful way to bog down two of the region’s most highly militarized regimes and to stave off short-term threats to the regional order and the political economy of oil. To this end, the United States supplied weapons, funding, and intelligence to both sides in the conflict, and acknowledged and condoned Iraq’s use of chemical weapons on the battlefield and against its own citizens.19 The decision to view the Iran-Iraq War as a useful conflict, one worth abetting as a means to contain the belligerents and therefore ensure security elsewhere in the Gulf, proved to be a dangerous gambit. Ultimately, that decision would result in the realization of the Carter Doctrine and the direct intervention of the United States in Persian Gulf conflict. And it was the threat to oil shipping that finally brought the American military in to stay.

In 1986 Kuwait requested protection from both the United States and the Soviet Union from Iranian attacks on its oil tankers. The following March the United States obliged by allowing Kuwaiti tankers to fly the U.S. flag, thereby rendering attacks on tankers as attacks on American interests, and by dispatching a large naval fleet to provide direct protection. American and Iranian military forces exchanged fire on several occasions in 1987. Hostilities escalated in 1988, with the United States sinking several Iranian warships and damaging oil platforms. That summer the USSVincennes shot down an Iranian passenger jet, killing all 290 civilians on board. The incident was a stunning blow to Iran, and one that effectively sapped its will to fight further.20 That the United States became an active participant in the Iran-Iraq War, taking and causing casualties, is hardly a secret. Yet it has not been featured in considerations of the patterns of American engagement in the region or in its history of militarism in the Gulf. It should be. The war intensified American and Arab anxieties about Iranian power and ambition, worries that began with the 1979 revolution. Iran’s status as one of the region’s principal bogeymen and “rogue” states has endured and continues today to be one of the primary and repeated justifications for a continued American military presence in the region.

American involvement in and efforts to protract the Iran-Iraq War also shaped future conflict with Iraq. Although Iraq received substantial military, technical, and financial assistance from the United States and its Arab neighbors during the war, it emerged from the conflict mired in debt and deeply shaken. Although encouraged by its allies and its patrons to drag out the war, Iraq could not afford it. Hussein borrowed heavily from neighboring oil states to fund his war machine. Unable to pay its debts or to stimulate its economy after the war, Iraq faced domestic disaster. Saddam Hussein urgently sought a remedy, knowing that his power would be imperiled if he proved unable to steward Iraq back to the path of reasonable prosperity. Reestablishing its oil industry and resecuring a share of the global oil market might have provided Iraq a way out of indebtedness, but Iraq’s oil-producing neighbors were not sympathetic. Arab lenders demanded that Iraq repay its war debts. Meanwhile, several of Iraq’s neighbors, including Kuwait, were dumping excess oil onto the market, which had the effect of driving prices down, limiting Iraqi revenues, and constraining its potential recovery.21

The anxieties, traumas, and hypermilitarism that precipitated Iran’s revolution, Iraq’s invasion, and the escalation of regional insecurity in the 1980s persisted. After two years of pleading and saber rattling, Saddam Hussein once again pursued a military solution, invading Kuwait in August 1990 and precipitating an even more dramatic escalation of American military intervention in the Gulf. Much of the history of Operation Desert Storm and the 1990s sanctions regime are well known. Alarmed by the potential fallout of Iraq possessing not only Kuwaiti oil but also Saudi Arabian oil led the United States to mobilize more than five hundred thousand troops in its largest war effort since the Vietnam War. In just a few days the U.S.-led coalition drove Iraqi forces from Kuwait. In the decade that followed the United States oversaw a devastating sanctions regime that eviscerated Iraq’s society and economy. The official American policy immediately after the war was one of containing both Iraq and Iran—keeping the region’s “rogue” states from threatening the other oil producers. By the end of the 1990s, however, containment had given way to a policy of regime change, the high-water mark of direct American militarism in the region, in which the U.S. government began actively to pursue the overthrow of Saddam Hussein. Even the sanctions regime, which was officially rationalized as a system designed to ensure that Iraq abandon its weapons of mass destruction program, functioned instead as an extension of the policy of regime change, which was realized with the 2003 American invasion of Iraq.22

Capturing oil and oil fields and establishing direct or imperial control over oil has not been part of the United States’ strategic logic for war. But protecting oil, oil producers, and the flow of oil has been. This is a critical distinction. The period between 1990 and the end of the long war in Iraq marks only the latest stage of American militarism in the Gulf. If oil and American oil policy—rather than the behavior of Saddam Hussein, the politics of the war on terrorism, or a handful of other political factors—are kept in focus, then one can argue that this period constitutes not a series of wars, but a single long war, one in which pursuing regional security and protecting oil and American-friendly oil producers has been the principal strategic rationale. That the permanent shadow of war has settled over the Persian Gulf in the last three decades is largely the direct outcome of the ways that oil has been tied to American national security and the ways that American policy makers linked security to militarization.

An Elusive Security

It might be tempting to argue that the escalating involvement of the United States and its history of militarism and military engagement in the Gulf region have provided a kind of security for the region. After all, oil has continued to flow, the network of oil producers has remained the same, and thus the primary interests of the United States in the region have been served. But three decades of war belie this argument. War is not tantamount to security, stability, or peace. Even in the periods between wars in the region the violence carried out by regimes against their own subjects makes clear that peace is not always peaceful. The cost has been high for the United States and especially for people who live in the Middle East. In thirty years of war, hundreds of thousands have died excruciating and violent deaths. Poverty, environmental disaster, torture, and wretched living conditions haunt the lives of many in Iraq, Iran, and elsewhere in the region. Of course, the burden of death and destruction does not fall entirely on the United States and its policy of militarization. The politics of war have primarily served the interests of regional leaders who have, often from a position of weakness, exported violence to deflect internal challenges to their authority. And international political rivalry, particularly during the Cold War, drew in the other global powers, most notably the Soviet Union, which also helped facilitate insecurity and disorder in the Middle East.

The region’s autocrats have also remained in power. As citizens began to challenge ruling regimes in early 2011 in Bahrain, Saudi Arabia, and Oman—three of the closest allies of the United States in the region—it became clear that those governments are all too willing to turn the weapons of war, purchased mostly from the United States, on their subjects. It is also clear that those regimes are hardly stable and that they are and will remain perennially vulnerable to domestic and regional shocks, which poses a real dilemma for U.S. policy. In addition to factoring in the human toll of wars and the moral dilemmas they raise, Americans trying to determine the true price of oil in the United States must take into account the financial cost of maintaining a massive military presence in the Gulf region. Roger Stern estimates that between 1976 and 2007 the total cost of maintaining the U.S. military in the Persian Gulf was about $7 trillion, and that figure does not include the costs of the 2003 Iraq War.23

The increasing willingness of the United States to use force and violence to shore up the flow of oil to global markets has not been a sign of American strength but rather of its limits. Popular political discourse in the United States often posits Americans and their government as unwitting victims of an unhealthy and unsustainable addiction or as dupes of duplicitous oil producers. It would certainly be wise to break this addiction to oil, but to do so requires coming to terms with the history of that addiction and the multiple costs it entails. But it is hardly clear that any such reconsideration is happening. Instead, the United States appears set to continue along a familiar path. Having crafted a set of relationships with oil and unstable oil producers and having linked the fate of those relationships to American national security virtually ensures that while the United States is wrapping up the most recent oil war, its military and political strategists are already preparing for the next one.

Acknowledgments

He is grateful to Vishal Kamath, Matthew Oliveri, Courtney Shaw, Justin Stearns, Chris Toensing, Robert Vitalis, Brandon Wolfe-Hunnicut, and theJAH referees for their criticisms and suggestions on earlier drafts of this essay

Footnotes

  • 1 Daniel Yergin, The Prize: The Epic Quest for Oil, Money, and Power(New York, 2008), 385–86; Lloyd C. Gardner, Three Kings: The Rise of an American Empire in the Middle East after World War II (New York, 2009), 19–25.

  • 2 For an alternative take on the political economy of oil and the need to protect supply, see Timothy Mitchell, “McJihad: Islam in the U.S. Global Order,” Social Text, 20 (Winter 2002), 5. Timothy Mitchell notes that “contrary to popular belief, there is too much [oil]. Oil is the world’s second most abundant fluid, so any producer is always at risk of being undercut by another. If all one wanted was a market in oil to supply those who need it, this would pose no problem. But the oil industry is about profits, not markets, and large profits are impossible to sustain under such competitive conditions. The potential rents—or ‘premiums on scarcity,’ as they are called—could be realized only if mechanisms were put in place to create the scarcity.” See ibid.

  • 3 Sheila Carapico and Chris Toensing wrote in 2006 that “to hear American politicians and the commercial news media tell it, the greatest military power in world history hastily launched an ill-conceived invasion because of intelligence failures and wishful fantasies of sweets and flowers. It is as if, to paraphrase a sentiment heard in White House hallways on September 11, 2001, history really did start on that day, and nothing that happened beforehand mattered. It is as if the United States had never articulated a global vision of ‘full-spectrum dominance,’ acted upon hegemonic ambitions in the Persian Gulf or planned for forcible ‘regime change’ in Iraq.” See Sheila Carapico and Chris Toensing, “The Strategic Logic of the Iraq Blunder,”Middle East Report (no. 239, Summer 2006), 6–11, esp. 6. For the best account emphasizing the role of 9/11 in the decision to invade Iraq in 2003, see F. Gregory Gause III, The International Relations of the Persian Gulf  (New York, 2010), 184–97.

  • 4 On the tensions between U.S. policies regarding Israel and oil, see Brandon Wolfe-Hunnicut, “The End of the Concessionary Regime: Oil and American Power in Iraq, 1958–1972” (Ph.D. diss., Stanford University, 2011).

  • 5 On Iraq and the British role there see Charles Tripp, A History of Iraq (New York, 2000), 30–147; Hanna Batatu, The Old Social Classes and the Revolutionary Movements of Iraq: A Study of Iraq’s Old Landed and Commercial Classes and of Its Communists, Bathists, and Free Officers (Princeton, 1978); Eric Davis, Memories of State: Politics, History, and Collective Identity in Modern Iraq (Berkeley, 2005); Toby Dodge, Inventing Iraq: A History of Nation Building and a History Denied (New York, 2003); and Priya Satia, Spies in Arabia: The Great War and the Cultural Foundations of Britain’s Covert Empire in the Middle East (New York, 2008).

  • 6 On the Carter Doctrine, see Zbigniew Brzezinski, Power and Principle: Memoirs of the National Security Adviser, 1977–1981 (New York, 1983).

  • 7 Nadav Safran, Saudi Arabia: The Ceaseless Quest for Security(Ithaca, 1988), 134. On the Organization of Petroleum Exporting Countries (OPEC), see Yergin, Prize; and Leonardo Magueri, The Age of Oil: What They Don’t Want You to Know about the World’s Most Controversial Resource (Westport, 2006), 93–102.

  • 8 Joe Stork, Middle East Oil and the Energy Crisis (New York, 1975). See also James Gelvin, The Modern Middle East: A History (New York, 2011). Andrew Scott Cooper, The Oil Kings: How the U.S., Iran, and Saudi Arabia Changed the Balance of Power in the Middle East (New York, 2011).

  • 9 On the efforts of American policy makers to convince leaders to reinvest revenues from oil sales to the West, see Cooper, Oil Kings. Robert Vitalis, America’s Kingdom: Mythmaking on the Saudi Oil Frontier (Palo Alto, 2007). Aramco was the name for the Arabian American Oil Company, a consortium established by the U.S.-based oil giants Chevron, Texaco, Exxon, and Mobil. Aramco operated under their ownership until 1980, when it was fully nationalized by Saudi Arabia.

  • 10 On the role of U.S. experts in strengthening the grip of the Saudi royal family over its territory and resources in the twentieth century, see Toby Craig Jones, Desert Kingdom: How Oil and Water Forged Modern Saudi Arabia (Cambridge, Mass., 2010). Mark J. Gasiorowski, “The 1953 Coup d’Etat in Iran,” International Journal of Middle East Studies, 19 (Aug. 1987), 261–86. Nathan J. Citino, From Arab Nationalism to OPEC: Eisenhower, King Saūd, and the Making of U.S.-Saudi Relations (Bloomington, 2002).

  • 11 Douglas Little, American Orientalism: The United States and the Middle East since 1945 (Chapel Hill, 2002). On the United States and arms sales to Saudi Arabia, see Safran, Saudi Arabia, 180–214. The dollar figures are drawn from the Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) Arms Transfer Database athttp://www.sipri.org/databases/armstransfers and are presented usingSIPRI’s online trend indicator values (TIVs) expressed in U.S. dollar amounts at constant 1990 prices. For an explanation of SIPRI’s arms transfer tables, see “Explanation of the TIV Tables,” Stockholm International Peace Research Institute,http://www.sipri.org/databases/armstransfers/background/explanations2_default.

  • 12 SIPRI Trend Indicator Values Database,www.sipri.org/databases/armstransfers. Gause, International Relations of the Persian Gulf, 33. Statement by Lee Hamilton on “Arms Policy in Persian Gulf Area,” May 31, 1973, in New Perspectives on the Persian Gulf, Hearings before the Subcommittee on the Near East and South Asia of the Committee on Foreign Affairs, House of Representatives, Ninety-Third Congress, 1973 (Washington, 1973), 191. SIPRI Arms Transfer Database and SIPRI Trade Register Database,www.sipri.org/databases/armstransfers. The original sale of the F-14 Tomcats was for eighty planes. Seventy-nine were delivered between 1976 and 1978, with the United States quarantining one after the outbreak of the Iranian Revolution.

  • 13 Hamilton, “U.S. Policy toward the Persian Gulf,” in New Perspectives on the Persian Gulf, 192.

  • 14 Steffen Hertog, Princes, Brokers, and Bureaucrats: Oil and the State in Saudi Arabia (Ithaca, 2010), 41–142; Daryl Champion, The Paradoxical Kingdom: Saudi Arabia and the Momentum of Reform (New York, 2003), 76–215; Alexei Vassiliev, The History of Saudi Arabia (New York, 2000), 401–35.

  • 15 On redistribution efforts in Saudi Arabia, see Hertog, Princes, Brokers, and Bureaucrats; and Jones, Desert Kingdom, 1–19, 54–137. On Iran and reform, see Nikki R. Keddie, Modern Iran: Roots and Results of Revolution (New Haven, 2006), 132–69. Martin Ennals quoted in Noam Chomsky and Edward S. Herman, The Washington Connection and Third World Fascism: The Political Economy of Human Rights, vol. I (Cambridge, Mass., 1979), 13.

  • 16 Oil-producing states elsewhere were also vulnerable to domestic pressures. See Terry Lynn Karl, The Paradox of Plenty: Oil Booms and Petro-states (Berkeley, 1997). Jones, Desert Kingdom, 138–78. Thomas Hegghammer and Stephane Lacroix, “Rejectionist Islamism in Saudi Arabia: The Story of Juhayman al-‘Utaybi Revisited,” International Journal of Middle East Studies, 39 (Feb. 2007), 103–22. On the 1979 Mecca Grand Mosque uprising, see Yaroslav Trofimov, The Siege of Mecca: The 1979 Uprising at Islam’s Holiest Shrine (New York, 2007).

  • 17 Ervand Abrahamian, Iran between Two Revolutions (Princeton, 1982), 419–529; Keddie, Modern Iran, 132–213.

  • 18 F. Gregory Gause III, “Iraq’s Decisions to Go to War, 1980 and 1990,” Middle East Journal, 56 (Winter 2002), 47–70.

  • 19 Joost R. Hiltermann, A Poisonous Affair: America, Iraq, and the Gassing of Halabja (New York, 2007), 37–64.

  • 20 Gause, International Relations of the Persian Gulf, 81–85.

  • 21 On U.S. policy toward Iraq and Iran in the 1990s, see ibid., 88–135. Tripp, History of Iraq, 248–53. Iraq’s neighbors dumped oil onto global spot markets and exceeded quotas set by OPEC not because they intended to harm Iraq directly; Kuwait and the United Arab Emirates, the two states most responsible for overproducing oil, had economic reasons of their own to do so. Even so, Saddam Hussein saw their actions as acts of betrayal. See Gause, “Iraq’s Decisions to Go to War,” 52–59.

  • 22 For a sober and devastating account of the politics of the sanctions regime, see Joy Gordon, Invisible War: The United States and the Iraq Sanctions (Cambridge, Mass., 2010). See also Sarah Graham-Brown, Sanctioning Saddam: The Politics of Intervention in Iraq (New York, 1999).

  • 23 Roger J. Stern, “United States Cost of Military Force Projection in the Persian Gulf, 1976–2007,” Energy Policy, 38 (June 2010), 2816–25.

The ‘Great War’ of Sinai : How to Lose a ‘War on Terror’

by RAMZY BAROUD

The Sinai Peninsula has moved from the margins of Egyptian body politic to the uncontested center, as Egypt’s strong man – President Abdul Fatah al-Sisi – finds himself greatly undercut by the rise of an insurgency that seems to be growing stronger with time.

Another series of deadly and coordinated attacks, on January 29, shattered the Egyptian army’s confidence, pushing it further into a deadly course of a war that can only be won by political sagacity, not bigger guns.

The latest attack was a blow to a short-lived sense of gratification felt by the regime that militancy in Sinai had been waning, thanks to a decisive military response that lasted for months. When militants carried out a multistage attack on an Egyptian military checkpoint in Sinai, onOctober 24, killing 31 and wounding many, the Egyptian government and media lines were most predictable. They blamed ‘foreigners’ for what was essentially a homegrown security and political crisis.

Instead of reexamining Egypt’s entire approach to the poor region of North Sinai, the army moved to further isolate Gaza, which has been under a very strict Israeli-Egyptian siege since 2007.

What has taken place in Sinai since last October was predictably shattering. It was seen by some as ethnic cleansing in the name of fighting terror. Thousands of families were being forced to evacuate their homes to watch them being detonated in the middle of the night, and resentment grew as a consequence.

And with resentment comes defiance. A Sinai resident, Abu Musallam summed up his people’s attitude towards government violence: “They bomb the house; we build a hut. They burn the hut; we build another hut. They kill; we give birth.”

Yet, despite a media blackout in Sinai, the scene of devastation created by the military campaign was becoming palpable. “Using bulldozers and dynamite” the army has demolished as many as 800 houses and displaced up to 10,000, the New York Times reported. Sisi spokesman referred to the demolished neighborhoods as terrorist “hotbeds”. The long-discussed plan for a “buffer zone” between Egypt and Gaza was carried out, and to a more devastating degree than expected.

The Jerusalem Post quoted the Egyptian publication, Al-Yom a-Sab’a reporting that “the security forces will work to clear the area of underground tunnels leading to Gaza and it will also level any buildings and structures that could be used to conceal smuggling activity.”

But no Gaza connection was ever found. The logic of a Gaza connection was bewildering to begin with. Attacks of this nature are more likely to worsen Gaza’s plight and tighten the siege, since the tunnels serve as a major lifeline for the besieged Palestinians. If the attacks carry a political message, it would be one that serves the interest of Gaza’s enemies, Israel and rival Palestinian factions, for example, not Hamas.

But no matter, Sisi, who rarely paused to consider Sinai’s extreme poverty and near-total negligence by Cairo, was quick to point the finger. Then, he called on Egyptians to “be aware of what is being hatched against us. All that is happening to us is known to us and we expected it and talked about it before July 3,” he said, referring to the day the military overthrew Mohammed Morsi.

In a televised speech, he blamed “foreign hands” that are “trying to break Egypt’s back,” vowing to fight extremism in a long-term campaign. Considering the simmering anger and sorrow felt by Egyptians, the attacks were an opportunity to acquire a political mandate that would allow him to carry whatever military policy that suited his interests in Sinai, starting with a buffer zone with Gaza.

While awaiting the bodies of the dead soldiers in Almaza military airport in Cairo, Sisi spoke of a ‘great war’ that his army is fighting in the Sinai. “These violent incidents are a reaction to our efforts to combat terrorism. The toll during the last few months has been very high and every day there are scores of terrorists who are killed and hundreds of them have already been liquidated.”

Without much monitoring in Sinai, and with occasional horror stories leaking out of the hermetically sealed desert of 60,000 square kilometers, and the admission of ‘scores’ killed ‘everyday,’ Sinai is reeling in a vicious cycle.

Resentment of the government in Sinai goes back many years, but it has peaked since the ousting of President Morsi. True, his one year in power also witnessed much violence, but not at the same level as today’s.

Since the January 2011 revolution, Egypt was ruled by four different regimes: The supreme military council, the administration of Mohammed Morsi, a transitional government led by Adli Mansour, and finally the return of the military to civilian clothes under Abdul Fatah al-Sisi. None have managed to control the violence in Sinai.

Sisi, however, insists on using the violence, including the most recent attacks that struck three different cities at once – Arish, Sheikh Zuwaid and Rafah – for limited political gain. He blamed the Muslim Brotherhood (MB) once more without providing much evidence. The MB, in turn, released a short statement blaming government neglect and brutality in Sinai for the violence, which promises to increase.

Following the October killings, I wrote: “If the intentions are to truly curb attacks in Sinai, knee-jerk military solutions will backfire.” Others too sounded the alarm that the security solution will not work.

What should have been common sense – Sinai’s problems are, after all complex and protracted – was brushed aside in the rush for war. The folly of the military action in the last few months may be registering internationally, at last, but certainly not locally.

That denial is felt through much of the Egyptian media. A top military expert, Salamah Jawhari declared on television that the “Sinai terrorists are clinically dead” and the proof is the well-coordinated attacks of January 29.  Per his logic, the attacks, which targeted three main cities all at once were ‘scattered’, thus the ‘clinical death’ of the militants. He blamed Qatar and Turkey for supporting the militants of Ansar Bait al-Maqdis, which, as of November vowed allegiance to the so-called ‘Islamic State’ (IS), announcing their new name: ‘The Sinai Province’.

The massive comeback of Sinai’s militants and the change of tactics indicate that the war in Sinai is heading to a stage unseen since the revolution, in fact since the rise of militancy in Sinai starting with thedeadly bombings of October 2004, followed by the attack on tourists in April 2005, at the Sharm el-Sheikh resort in the same year, and on Dahab in 2006. The militants are much more emboldened, angry and organized.

The audacity of the militants seems consistent with the sense of despair felt by the tribes of Sinai, who are caught in a devastating politically-motivated ‘war on terror’.

The question remains: how long will it be before Cairo understands that violence cannot resolve what are fundamentality political and socio-economic problems? This is as true in Cairo, as it is in Arish.

Ramzy Baroud – www.ramzybaroud.net – is an internationally-syndicated columnist, a media consultant, an author of several books and the founder of PalestineChronicle.com. He is currently completing his PhD studies at the University of Exeter. His latest book is My Father Was a Freedom Fighter: Gaza’s Untold Story (Pluto Press, London).

This article is origanally published on : http://www.counterpunch.org/

Le régime rentier d’accumulation en Arabie saoudite et son mode de régulation

The oil-led growth regime in Saudi Arabia and its mode of regulation
El régimen rentistico de acumulación en Arabia Saudita y su modo de regulación

Auteur : Adrien Faudot

 Doctorant en sciences économiques, CREG, Univ. Grenoble-Alpes, adrien.faudot@upmf-grenoble.fr

Résumés

Français

Les recettes d’exportation du pétrole contribuent à forger des structures économiques et institutionnelles qui font de l’Arabie saoudite un modèle d’État-rentier. De la prédominance de la rente pétrolière associée à la structure politique et sociale du pays ont découlé des situations économiques singulières rendant nécessaires des réponses en termes de politiques économiques, analysées dans ce travail comme le mode de régulation du régime de croissance tiré par la rente, plutôt que comme des facteurs d’émancipation par rapport à ce régime d’accumulation dépendant du pétrole. La rationalisation du régime rentier saoudien passe notamment par un recours massif à l’immigration ainsi qu’à des fonds souverains. L’économie saoudienne semble cependant engagée dans une dynamique instable : la situation démographique et la présence d’un chômage désormais massif chez les Saoudiens fragilisent le régime en absorbant une part croissante des recettes pétrolières.

 

Entrées d’index

Mots-clés :

Arabie saoudite, rente pétrolière, régime d’accumulation, mode de régulation

Keywords :

Saudi Arabia, oil rent, growth regime, mode of regulation

Palabras claves :

Arabia Saudita, renta petrolera, régimen de acumulación, modo de regulación

Codes JEL :

F43 – Economic Growth of Open Economies, O11 – Macroeconomic Analyses of Economic Development, O53 – Asia including Middle East, Q32 – Exhaustible Resources and Economic Development

 

Plan

Introduction
1. Régime d’accumulation rentier et mode de régulation
2. L’insertion internationale au travers d’un régime d’ancrage au dollar
2. 1. Un régime de change procyclique et aliéné
2. 2. Un ancrage fondamental pour le régime rentier
3. Rapport salarial et immigration
3. 1. Population et immigration en Arabie saoudite
3. 2. Le régime rentier et la segmentation du travail
3. 3. Les difficultés annoncées de la saoudisation
4. La politique industrielle et le secteur privé
4. 1. Le tissu industriel non pétrolier
4. 2. L’impératif des subventions issues de la rente pour la survie d’un secteur non pétrolier
5. Les fonds souverains
5. 1. Un moyen de stériliser la rente pétrolière tout en préparant l’après pétrole ?
5. 2. Les fonds souverains en Arabie saoudite
5. 3. Les limites posées par les fonds souverains saoudiens
Conclusion

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Introduction

  • 1 Le wahhabisme, sunnisme radical, a été l’instrument de la conquête du pouvoir de la famille Saud su (…)

1L’économie saoudienne se caractérise par des rapports sociaux particuliers façonnés par la rente pétrolière. La rente est définie par Ricardo comme « cette part du produit de la terre payée au propriétaire foncier pour l’usage des facultés productives originelles et indestructibles du sol » (Ricardo, 1992, p. 89). Dans notre cas, il s’agit de la rémunération de la productivité des champs pétroliers saoudiens (Sid Ahmed, 2000, p. 503), l’une des plus élevées au monde. Les hydrocarbures se situant dans le sous-sol du pays, la rente revient intégralement à l’État, dirigé par la dynastie des Saud depuis sa fondation en 1932. Outre l’usage d’un appareil répressif, la stabilité d’un tel régime repose sur deux piliers. Le premier est l’islam, sur lequel la monarchie revendique le rôle de protecteur au travers du wahhabisme, et qui aboutit à la sacralisation de la famille royale dont le chef est considéré comme « le Gardien des deux lieux saints »1. Le second est le pétrole, dont les recettes d’exportations sont distribuées dans le pays et constituent sa principale source de croissance.

  • 2 Ce qui ne veut pas dire que le rôle du pilier religieux pour la stabilité du régime n’est pas essen (…)

2C’est sur ce second pilier que notre attention se porte dans ce travail2. On vient d’évoquer la rente selon la définition qu’en a donnée Ricardo, à savoir la rente différentielle, trouvant son origine dans les différences de productivité de l’exploitation des champs de pétrole. Cette conception ignore l’existence de la rente découlant de la propriété du sol, dont chaque terrain bénéficie, y compris celui qui ne perçoit pas de rente différentielle (c’est-à-dire celui qui est peu productif) : il s’agit de la rente absolue. En Arabie saoudite, la combinaison d’un pétrole très léger et à faible coût d’extraction comparé au prix du baril fixé sur les marchés internationaux (Marcel, 2009) avec une appropriation progressive par les gouvernements des exploitations de pétrole, s’achevant avec la nationalisation intégrale de la Saudi Aramco en 1980 (Hertog, 2008), a amené l’État saoudien, comme la plupart des pays du Golfe, à retirer de l’exploitation de son pétrole une gigantesque rente différentielle et absolue (Bina, 1985 ; Jenkins et al., 2011).

  • 3 On entend par rapports sociaux les relations et interactions, d’interdépendances ou non, s’établiss (…)

3La volatilité des recettes pétrolières et la croissance démographique ont amené les autorités saoudiennes à adopter des politiques de manière à rationaliser le fonctionnement du régime rentier tout en visant la conservation des rapports sociaux qui y sont dominants3. La plupart des analyses du pays mettent l’accent sur la croissance forte de l’économie saoudienne depuis les années 2000 (comme par exemple, FMI, 2013a). Nous nous penchons sur la dynamique instable dans laquelle est engagée l’économie : une lente altération du régime d’accumulation peut s’expliquer par un ralentissement de la croissance de ses recettes d’exportation combinée à la croissance de sa population. Ces tendances révèlent d’autant plus clairement les piliers institutionnels qui fondent le régime rentier saoudien.

4À l’instar de la théorie de la Régulation, on étudie les politiques, mais aussi les institutions permettant la viabilité d’un régime d’accumulation, en cherchant à mettre en avant les éléments susceptibles de faire entrer le régime dans une crise structurelle (Boyer, 2003). Cet article présente les formes institutionnelles et leur évolution en Arabie saoudite comme une régulation qui aboutit non pas à préparer l’économie à une situation d’après pétrole, mais à pérenniser les rapports sociaux prévalant dans ce régime d’accumulation tiré par la rente pétrolière.

1. Régime d’accumulation rentier et mode de régulation

5Un régime d’accumulation désigne « l’ensemble des régularités assurant une progression générale et relativement cohérente de l’accumulation du capital, c’est-à-dire permettant de résorber ou d’étaler dans le temps les distorsions et déséquilibres qui naissent en permanence du processus lui-même » (Boyer, 2004, p. 20).

6Un régime d’accumulation est associé à un mode de régulation, qui peut être défini comme « l’ensemble des procédures et des comportements individuels et collectifs qui reproduisent les rapports sociaux fondamentaux, pilotent le régime d’accumulation en vigueur et assurent la compatibilité d’une myriade de décisions décentralisées, sans que les acteurs aient nécessairement conscience des principes d’ajustement de l’ensemble du système » (Boyer, 2002).

7Le régime rentier d’accumulation se caractérise, selon Talha (2003) par une économie sous-développée d’un côté, et, de l’autre, tirant son financement de la rente. La première caractéristique, celle du sous-développement, semble essentielle dans la mesure où l’économie pétrolière ne peut avoir les capacités économiques de production (et notamment des capacités industrielles) de consommer les ressources pétrolières du pays. Les ressources sont exportées et donnent ainsi lieu à des recettes, dont l’importance relative prend l’ascendant sur les autres sources d’accumulation du pays. Le sous-développement se caractérise par une relation de dépendance vis-à-vis des centres « industrialisés » au sein de laquelle l’absence de production de biens de capital sur le territoire rend nécessaires les importations de ces biens, elles-mêmes financées par des exportations primaires.

8La croissance de l’Arabie saoudite est par conséquent essentiellement extensive, dans la mesure où la croissance de la « production intérieure brute » repose en grande partie sur la valorisation, sur des marchés internationaux, d’une ressource minière qui n’a pas subi de transformation (le pays exporte du brut). En outre, c’est l’accumulation des facteurs de production et non la productivité totale des facteurs qui semble avoir tiré la croissance du pays durant ces dernières décennies (FMI, 2012). Les données concernant la productivité dans le pays sont manquantes, cependant, les analyses disponibles décrivent une productivité médiocre dans le secteur public, présenté comme saturé et caractérisé par des formes de clientélisme, tandis que le secteur privé éprouve lui aussi des difficultés à réaliser des gains de productivité, notamment parce que la main d’œuvre étrangère peu qualifiée qui constitue la majorité du secteur privé est sujette à un fort turn-over et parce que l’investissement destiné à des fins productives est assez faible (les investissements en capital des Saoudiens sont d’ailleurs découragés par la possibilité laissée de salarier des étrangers à très bas coûts).

9La rente se réalise au travers du reste du monde pour qui le pétrole sera perçu comme un input, et qui, via les mécanismes du marché international, détermine le montant des recettes d’exportation. C’est un revenu exogène à l’économie du pays. La rente est un revenu indéterminé : « assimilable ni au salaire ni au profit, et pourtant elle peut indifféremment être utilisée comme l’un ou l’autre » (Talha, 2003). Elle peut être thésaurisée, consommée, ou investie. C’est pourquoi a priori, les recettes d’exportation gigantesques à certaines périodes qui découlent de la richesse pétrolière n’apparaissent pas comme une malédiction ou une bénédiction pour une économie. Cependant, on trouve une littérature variée à ce sujet. Certains travaux insistent sur les possibles stratégies de développement des économies initialement spécialisées sur des produits primaires (on peut notamment évoquer ceux qui ont donné naissance à la staple theory [Sid Ahmed, 1988] suggérant un développement des économies primaires au travers d’une diversification progressive des appareils productifs), tandis que d’autres ont insisté sur l’existence d’un « syndrome hollandais » amenant la désindustrialisation et renforçant la spécialisation pétrolière des pays exportateurs (Corden et Neary, 1982 ; Corden, 1984), la malédiction des ressources naturelles étant évoquée pour caractériser les difficultés des pays « victimes » de leur rente (Sachs et Warner, 2001). Pour notre part, nous ne cherchons pas à déterminer si la rente a été pour l’économie saoudienne une malédiction ou une bénédiction. Nous situons ce travail dans l’approche de la théorie de la Régulation, pour laquelle la problématique consiste en « l’analyse des conditions qui assurent ex post la viabilité d’un processus d’accumulation par nature soumis à des déséquilibres, à des contradictions et à des conflits » (Boyer, 2002). Les médiations institutionnelles, variant elles-mêmes selon les pays exportateurs de pétrole, sont alors un élément essentiel dans la régulation du régime rentier.

10« La régulation institutionnelle, dans le cas du régime rentier, est une nécessité qui s’impose plus qu’ailleurs car l’antagonisme qui est au cœur de la rente n’est pas seulement lié à sa redistribution entre les rentiers, mais surtout à son partage entre la répartition et la production, la consommation et l’investissement. Une telle tension ne peut être surmontée qu’au travers de compromis institutionnalisés à même de médiatiser l’antagonisme pour en stabiliser, pour un temps, les termes » écrit Talha (2003).

11« Ces compromis institutionnalisés, ajoute-t-il, sont d’autant plus nécessaires que la nature fondamentalement ambivalente de la rente fait que la tension va, sous des formes différentes, inévitablement ressurgir à chaque étape du circuit de réalisation que trace la circulation de celle-ci, et doit donc être résolue/régulée à chacune de ces étapes par des institutions appropriées ».

12Ce sont les formes institutionnelles propres à l’économie saoudienne que nous proposons d’étudier dans les sections suivantes.

2. L’insertion internationale au travers d’un régime d’ancrage au dollar

13L’ancrage au dollar apparaît comme une passerelle entre l’économie rentière et les économies qui, nécessairement, alimentent cette rente. Il s’agit d’un élément stabilisant l’insertion internationale des exportateurs de pétrole : la rente étant un revenu monétaire exogène provenant du reste du monde, les paramètres qui assurent la conversion de la ressource pétrolière en rente et l’acheminement de celle-ci dans l’économie domestique sont de première importance. L’insertion internationale apparaît comme le rapport social dominant des régimes rentiers parmi les rapports sociaux fondamentaux étudiés par la théorie de la Régulation (Talha, 2003). Le riyal saoudien est ancré au dollar depuis sa création en 1961, bien que cela n’ait été officiel qu’en 2003 (Ramady, 2009a). Un dollar s’échange, depuis 1986, contre 3.75 riyals, et cette parité n’a pas changé depuis, malgré la volatilité du prix du pétrole (Westelius, 2013). Les réserves de change constituées en période de prix du pétrole élevés permettent de maintenir la parité, particulièrement lorsque le cours du baril est amené à chuter. L’avantage supposé d’un ancrage sur le dollar est la stabilité monétaire du pays ancre. Cet avantage est contrebalancé par le fait que les besoins de l’économie ancrée ne sont pas les mêmes que celle qui est l’ancre, et une économie exportatrice qui importe la politique monétaire d’une économie importatrice de pétrole subit la divergence des besoins de politique économique (Setser, 2007 ; Westelius, 2013). Nous analysons ici le régime d’ancrage comme un moyen d’assurer l’existence du régime rentier.

2. 1. Un régime de change procyclique et aliéné

  • 4 Le choix a été fait de s’ancrer sur un panier de devises, et d’opérer, à plusieurs reprises, des ré (…)

14Avec une hausse du prix du pétrole, un pays exportateur de pétrole voit ses recettes d’exportation augmenter, puisque le baril de pétrole voit son prix augmenter. Il bénéficie donc d’une rentrée de dollars plus importante. Pour freiner l’emballement qui peut résulter de cette rente, et en limiter la portée inflationniste, la SAMA (Saudi Arabian Monetary Authority), la Banque centrale du pays, devrait être incitée à mener une politique monétaire restrictive, notamment par le biais d’une hausse des taux d’intérêt. Ceci est impossible à cause de l’ancrage : le maintien de la parité impose au riyal saoudien de suivre la trajectoire du dollar et donc de se déprécier, du fait de la corrélation négative entre cours du dollar et cours du pétrole. Si les autorités se refusent à utiliser les réserves de change ou à stériliser les entrées de capitaux (il n’y a pas de contrôle des capitaux en Arabie saoudite, comme l’explique Ramady, 2009b), une hausse du taux d’intérêt est impossible (car cela entraînerait des entrées de capitaux et donc une appréciation du riyal), et une baisse est même nécessaire (Setser, 2007). Ceci peut favoriser une inflation qui vient s’ajouter aux pressions de la rente pétrolière et accentue le phénomène de surévaluation du taux de change réel. C’est la raison pour laquelle le Koweït a décidé en 2007 de lever l’ancrage au dollar, afin de réévaluer sa monnaie et atténuer les pressions inflationnistes liées au prix croissant du baril de pétrole4.

15L’inverse est également vrai : en cas de diminution du cours du pétrole, le dollar a tendance à s’apprécier. Alors que l’Arabie saoudite est confrontée à une baisse de ses recettes pétrolières, elle se retrouve dans une situation de déficit public, voire de récession. Tandis que la conjoncture nationale appelle à une relance monétaire au travers de taux de refinancement plus faibles, la SAMA doit augmenter ses taux d’intérêt afin de maintenir la parité avec le dollar. Cette décision contribue à aggraver la récession, considérée comme une « double peine » (Setser, 2007). Cette situation explique la faible inflation, voire la déflation rencontrée par l’Arabie saoudite à la fin des années 1990 et au début des années 2000. En 1999, malgré une déflation (-1.3 % d’inflation), l’Arabie saoudite a dû subir un taux d’intérêt réel de 7 %, ce qui dissuade les investissements productifs dans le pays.

16Après le krach de 2008 et l’effondrement du prix du baril, celui-ci est remonté rapidement pour dépasser les 100 $ : le baril de Brent valait 112 $ à la fin du mois de janvier 2013 (OPEP, 2013). Cette situation est à l’origine de recettes d’exportation considérables dans les pays exportateurs de pétrole comme l’Arabie saoudite. Les autorités font donc face à des risques de pressions inflationnistes. Toutefois l’ancrage au dollar impose à l’Arabie saoudite un taux d’intérêt à peine supérieur à celui du dollar, c’est-à-dire très bas, les États-Unis maintenant des taux d’intérêt faibles pour relancer leur économie toujours sinistrée par la crise des subprimes. Le taux d’intérêt de refinancement des banques (le repo rate) est passé de 5.5 % en 2008 à 2 % en 2009 et est depuis maintenu à ce niveau malgré l’inflation (qui s’élève à 5.3 % en 2010 et 5.0 % en 2011). De même, le reverse repo rate (le taux d’intérêt rémunérant les dépôts des banques auprès de la Banque centrale) est passé de 2 % à 0.25 % (SAMA, 2012). Cette analyse questionne la pertinence de l’ancrage dur au dollar pour les pays exportateur de pétrole, régime de change parfois qualifié « d’erroné » (Artus, 2008), si l’on s’en tient à ses seules conséquences macroéconomiques pour le pays qui s’ancre.

17Ces conséquences ne sont guère atténuées par le secteur bancaire saoudien. Celui-ci est bien volontiers présenté comme particulièrement stable, notamment parce que les exigences en capital y sont élevées et parce que sa supervision est efficace du fait de sa faible « sophistication » financière (FMI, 2013b). La présence de l’État est aujourd’hui toujours significative dans le secteur financier. Les trois plus importantes banques (représentant 45 % des actifs) sont d’ailleurs en majorité détenues par des entités publiques. En outre, les banques étrangères restent dans ce secteur des agents marginaux, et celles qui bénéficient d’une licence ont été amenée à opérer des joint-ventures dans les années 1970 pour rester/s’implanter sur le territoire (Al-Hamidy, 2006). Du fait de l’existence d’institutions financières sous statut public (« government sponsored ») sur lesquelles les pressions à la maximisation des profits, et donc à la concurrence sur les prêts, sont faibles (Al-Jasser et Banafe, 1999), le crédit semble assez peu sensible aux variations du taux d’intérêts et à la politique monétaire. Malgré cette présence publique, et le fait que la SAMA ait « appris » depuis les années 1980 en se dotant de plusieurs armes de supervision (Al-Hamidy, 2006), le développement du crédit et plus largement de la masse monétaire restent contraints par l’ancrage, et donc in fine par les entrées de dollar.

18L’ancrage au dollar du riyal saoudien aboutit à un abandon de la politique monétaire, et par la même occasion de ses vertus contracycliques. Les mouvements du dollar, accompagnant l’économie américaine, s’accordent rarement avec les besoins des économies exportatrices de pétrole, ce qui amène les économies ancrées à opter pour des politiques monétaires procycliques. Il convient alors d’interroger la rationalité d’un tel régime de change. Il semble vital pour la formation de la rente et l’existence du régime rentier.

2. 2. Un ancrage fondamental pour le régime rentier

19L’ancrage s’explique notamment par la volonté d’importer la crédibilité de la monnaie ancre, le dollar, par ailleurs utilisé comme monnaie de facturation internationale. Les pays du Golfe sont des pays ouverts aux échanges internationaux, composés d’une importante classe de marchands ; ceux-ci ont un intérêt à l’ancrage au dollar, pour la crédibilité de la monnaie internationale, mais aussi pour les transactions commerciales effectuées en dollar.

20La rente dont bénéficient les pays rentiers n’existe que par le biais de l’échange : c’est la valeur d’échange du pétrole qui détermine le niveau de la rente. La rente pétrolière apparaissant sur un marché international dans lequel le dollar est la monnaie utilisée, le pays rentier réalise d’abord sa richesse dans cette monnaie internationale, qui détermine également le montant des importations en biens de capital qu’il pourra réaliser (Talha, 2003). L’ancrage permet de garantir la valeur de la rente et la quantité d’importations de biens de capital, il fournit ainsi un cadre institutionnel essentiel au fonctionnement du régime rentier. L’insertion internationale étant un élément vital au fonctionnement d’une économie exportatrice de pétrole, l’ancrage assure le lien indispensable entre monnaie internationale et monnaie nationale. Ceci est d’autant plus vrai dans les pays du Golfe que ceux-ci ont une tradition d’économie ouverte, dans laquelle la classe des marchands transnationaux joue un rôle majeur, et précède l’ère pétrolière (Luciani, 2011). Ces économies marchandes ont besoin d’acquérir une « réputation », mais aussi et surtout une monnaie acceptée sur le plan international pour l’achat des biens importés. L’ancrage est par conséquent une nécessité pour la conduite des politiques économiques, ce qui astreint la SAMA à stabiliser la valeur externe de la devise saoudienne (un des objectifs premiers de sa charte fondatrice datant de 1952). Précisons que la SAMA n’est pas une autorité totalement indépendante du pouvoir politique : son gouverneur ainsi que les membres du directoire sont nommés par décrets royaux, pour des mandats de cinq ans. Ils sont responsables devant le gouvernement, et ces mêmes décrets peuvent mettre fin à tout moment à leur mandat. Si de jure, l’indépendance de l’agence est affirmée, elle est de facto contrainte par sa propre tâche de gestion de l’ancrage.

  • 5 Les accords du Quincy ont été passés en 1945 entre Roosevelt et Ibn Saud et prévoient l’assurance d (…)

21À cela, on peut ajouter l’importance des accords politiques et stratégiques qui lient l’Arabie saoudite au gouvernement des États-Unis, comme une explication de l’ancrage à la monnaie américaine. Le gouvernement saoudien, tout en consacrant une part importante de son budget à son armée (les dépenses militaires sont essentielles dans l’endiguement de la violence, dont le coût pour le pays est estimé à de 11 % du PIB par tête en 2012, d’après Institute for Economics and Peace, 2014), s’appuie sur des accords passés de longue date avec les États-Unis5 pour assurer sa sécurité intérieure mais aussi vis-à-vis de l’extérieur, sachant la région particulièrement sensible sur le plan géopolitique. La facturation du pétrole saoudien, elle-même prévue en dollar par des accords obtenus par Kissinger en 1974, renforce la nécessité de l’ancrage du riyal au dollar pour des raisons de compétitivité internationale. Sous cet angle, l’ancrage dur est aussi pour beaucoup la résultante d’enjeux politiques.

22L’ancrage au dollar du riyal apparaît ainsi comme un prérequis à l’existence même de la rente. Le régime de change de l’Arabie saoudite est de ce fait subordonné aux besoins de la rente pétrolière. D’autres caractéristiques du régime rentier saoudien peuvent être analysées comme des nécessités pour sa régulation, à l’instar de la présence d’une nombreuse main d’œuvre immigrée.

3. Rapport salarial et immigration

23La rente pétrolière, qui revient à l’État, a rendu le secteur privé dépendant du secteur public. Le secteur pétrolier étant particulièrement capitalistique et nécessitant des technologies sophistiquées, il aspire les capitaux du pays, et maintient le secteur privé dans une forme traditionnelle, peu développée et intense en travail. C’est surtout celui-ci qui fait appel à la main d’œuvre étrangère.

24L’implication de l’État dans la réalisation de l’immigration est principalement liée à sa volonté de contrôler les flux de main d’œuvre (notamment pour des raisons de sécurité intérieure). La diplomatie saoudienne régule avec ses homologues des pays de départ les réseaux qui permettront l’acheminement des immigrés jusqu’à leur destination d’arrivée. Toutefois, parce que le cadre légal implique de la part des Saoudiens qu’ils « parrainent » des immigrés, l’initiative de ces flux migratoires est bien du ressort de la société saoudienne, ce qui en fait un outil ajusté à ses besoins. Cette privatisation de la politique migratoire est un compromis institutionnalisé qui permet aux saoudiens de devenir des sponsors, soit des personnes pouvant aisément, et à des conditions dont ils fixent les termes, salarier des immigrés, ces derniers étant importés sur le territoire de manière tout à fait contractuelle. L’immigration répond à des besoins privés et décentralisés, conséquence de la dissémination de la rente dans la société saoudienne.

3. 1. Population et immigration en Arabie saoudite

25L’Arabie saoudite est peuplée de 28.4 millions d’habitants en 2011. La population y croît rapidement : elle était de 15.2 millions en 1990. Elle est en outre de plus en plus jeune : l’âge médian est de 22 ans, 80 % de la population est âgée de moins de 30 ans, et 60 % de moins de 20 (Gallarotti et al., 2012). Dans cette population, la main d’œuvre immigrée représente 24.8 %, soit près de 9 millions d’individus en 2011. En 2011 toujours, les non-Saoudiens représentent un peu moins de 7.9 % des employés du secteur public, et 89.1 % des employés du secteur privé (SAMA, 2012).

26Les immigrés constituent bien une « main d’œuvre », car ils ne sont pas destinés à rester sur le territoire une fois que la durée du contrat qui les lie à un sponsor (Kafeel) expire. Ils ne peuvent d’ailleurs acquérir la nationalité saoudienne. Cela explique le taux de chômage extrêmement faible des non-saoudiens (0.3 % en 2009) relativement à celui des Saoudiens, de 10.5 % en 2009 (SAMA, 2012). La présence des immigrés n’est justifiée que par leur emploi. C’est aussi pour cela que la population immigrée est déséquilibrée : les femmes sont 2.7 millions, tandis que les hommes sont 6.3 millions en 2011 (SAMA, 2012). La main d’œuvre immigrée n’a cessé d’augmenter, à un rythme soutenu. L’Arabie saoudite comptait en 1976 environ 950 000 immigrés, près de 2 millions en 1983, et environ 5 millions en 1995 (SAMA, 2012, p. 361). Cette croissance a fait naître des inquiétudes chez les dirigeants du régime, notamment sur les questions de sécurité intérieure, les amenant à se pencher sur l’origine des immigrés travaillant sur le territoire.

27La composition de la population immigrée a évolué depuis la seconde guerre mondiale : dans les années 1950-1960, celle qui a contribué à construire les premières infrastructures du pays était surtout originaire d’autres pays arabes (Palestiniens, Égyptiens). Les autorités saoudiennes ont progressivement préféré des travailleurs asiatiques pour plusieurs raisons : les Arabes des pays voisins ont été influencés par des courants prosoviétiques, socialistes, ou radicaux, ou bien par le panarabisme, assimilé à un mouvement de gauche radical. Cette évolution a amené les gouvernements du Golfe, et notamment celui d’Arabie saoudite, à chercher de nouveaux pays fournisseurs de main d’œuvre. En Asie, ils ont trouvé dans plusieurs pays une population nombreuse, croissante, et de religion musulmane. Les Asiatiques sont beaucoup moins payés, plus faciles à licencier, plus « corvéables » tout en étant productifs et relativement bien qualifiés. Les gouvernements asiatiques ont d’ailleurs facilité le recrutement par les pays du Golfe de travailleurs asiatiques : par exemple Inde, Pakistan, Bangladesh, Philippines (Piolet, 2009). Les communautés asiatiques se sont donc multipliées dans les pays du Golfe dès les années 1970.

28De nouveaux migrants sont également apparus en provenance des anciennes républiques soviétiques ou de Chine. Les Asiatiques représentent en 2004 70 % des travailleurs immigrés en Arabie saoudite. Les Indiens sont 1.3 millions, les Pakistanais 900 000 (Kapiszewski, 2006). Les autorités veillent toutefois à diversifier les origines de leur main d’œuvre immigrée pour éviter de laisser se former des communautés trop importantes. En revanche, l’économie saoudienne ne peut se passer de la main d’œuvre immigrée.

3. 2. Le régime rentier et la segmentation du travail

29Les migrants occupent des emplois non qualifiés, particulièrement dans la construction, ou dans les services faiblement rémunérés. L’Arabie saoudite compte aussi, en faible nombre, des immigrés qualifiés et très qualifiés, notamment des techniciens ou des ingénieurs. Les immigrés y forment donc un groupe hétérogène, mais ils peuvent toutefois être caractérisés par des coûts du travail plus faibles que leurs semblables saoudiens. Moins prononcé pour les femmes, l’écart entre le salaire des immigrés et celui des Saoudiens est considérable chez les hommes : les Saoudiens perçoivent un salaire environ quatre fois plus élevés (Ramady, 2013).

30Les secteurs qui emploient le plus de salariés sur le territoire en 2010 sont la construction, le commerce de gros et de détail, l’industrie manufacturière et le secteur des transports et télécommunications. La plupart des employés de ces secteurs sont des immigrés. La construction nécessite par exemple une main d’œuvre peu qualifiée, qui provient surtout du continent indien ; cette main d’œuvre est peu payée, et maintient un coût de la construction assez faible. Ce secteur attire au contraire peu de Saoudiens.

  • 6 Le boom du secteur des hydrocarbures aboutit à des salaires plus élevés dans ce secteur, à taux de (…)

31Si l’on se focalise sur la seule comparaison des salaires entre nationaux et immigrés, alors l’immigration permet de répondre à un effet pervers du boom énergétique, celui de la hausse des salaires dans le secteur énergétique se propageant dans le reste de l’économie6 : elle fournit une main d’œuvre dont le salaire est fixé à l’échelle internationale, permettant ainsi aux secteurs manufacturiers comme au secteur des services d’éviter des salaires trop élevés. La main d’œuvre est contractuelle, et son pouvoir de négociation, faible, maintient une pression sur les tensions inflationnistes du pays qui trouveraient leurs sources dans les salaires.

32Malgré les différences de salaires entre Saoudiens et non-Saoudiens, ces derniers parviennent à épargner une partie de leurs revenus et à la renvoyer dans leur pays d’origine pour leur famille restée sur place. Ces transferts de revenus peuvent représenter des montants importants et contribuent à diminuer la pression sur le taux de change résultant de la rente pétrolière.

33En effet, plusieurs études établissent que les transferts de fonds des migrants aboutissent à une appréciation du taux de change réel du pays qui réceptionne ces fonds (Lopez et al., 2007 ; Acosta et al., 2008). Si les transferts de fonds des migrants apprécient le taux de change du pays récipiendaire, ils déprécient parallèlement le taux de change réel du pays émetteur. L’Arabie saoudite est le deuxième pays émetteur de remises au monde en 2009. Ces transferts n’ont cessé d’augmenter, particulièrement depuis les années 1970 et les chocs pétroliers qui ont accéléré l’immigration en Arabie saoudite. En 2010, ils représentent plus de 27 milliards de dollars (d’après les données de la Banque mondiale), soit environ 6 % du PIB.

  • 7 Les institutions peuvent se définir, selon North, comme les contraintes établies par les hommes qui (…)

34Revenons sur le cadre juridique qui a orienté, précisé et rationalisé le recours à la main d’œuvre étrangère. La dualité du « marché » du travail repose sur les différentes caractéristiques des secteurs publics et privés, mais aussi sur les différences de traitement établies juridiquement entre les salariés saoudiens et les salariés immigrés. Son maintien doit également beaucoup aux représentations sociales dominantes qui déterminent notamment les orientations de la population saoudienne en termes d’emplois, venant ainsi expliquer le recours à l’immigration malgré un taux de chômage élevé dans la population. Ce recours est véritablement institutionnalisé7. Il se base sur les principes du droit coutumier des Bédouins d’Arabie centrale, qui donne à l’individu étranger à la tribu un droit à un statut spécifique et à une forme de protection de la part du Kafeel (Beaugé, 1986).

  • 8 À l’exception des immigrés provenant du Yémen, qui ne sont pas soumis à ces contraintes.
  • 9 Lorsque le sponsor n’est pas l’employeur, il joue le rôle d’intermédiaire et perçoit néanmoins une (…)

35Le permis de travailler et de séjourner (Iqama) nécessite l’obtention d’un visa. Pour ce faire, l’implication d’un sponsor est indispensable8. Celui-ci retient le passeport du travailleur, et se porte garant pour lui. Le droit de grève, ou de réunion n’existe pas. L’immigré ne peut pas non-plus changer d’emploi, ou quitter son emploi sans l’accord de son sponsor, qui est bien souvent son employeur (Rigoulet-Roze, 2007)9. L’immigration est contractuelle, les gouvernements de pays partenaires de l’Arabie saoudite s’entendant sur les transferts de travailleurs (Kapiszewski, 2006). La durée de résidence est elle-aussi fixée par le visa, et implique une sortie du pays après son expiration. Le pouvoir de négociation des immigrés est de ce fait inexistant. On perçoit ici que le travail des immigrés incarne la première facette du rapport salarial, l’exploitation de la main d’œuvre via les sponsors nationaux se dispensant bien de prétendre à une quelconque indépendance des parties prenantes signant un contrat de travail sur un pied d’égalité. Aussi, ne peut-on pas parler de « marché » pour désigner cette forme d’organisation du travail. Le travailleur est de toute évidence dans une dépendance monétaire par rapport au sponsor, et sa soumission à des règles sur lesquelles il n’a aucune maîtrise commence avant même son arrivée sur le territoire saoudien, dans le processus de recrutement. Une fois arrivé, les tâches que l’immigré aura à effectuer, les conditions de son travail, et sa propre mobilité spatiale relèvent du bon vouloir du sponsor.

36Le fait qu’un salarié Saoudien perçoive une rémunération nécessairement supérieure à celle d’un immigré s’est imprégné dans la société, devenant une norme de comportement (Ramady, 2013). Les Saoudiens disposent de droits sociaux, d’une pension de retraite, d’une sécurité sociale, garantis par l’État. Les avantages sociaux sont par ailleurs bien supérieurs dans le secteur public, dont la grande majorité des employés sont Saoudiens (92.1 % en 2011 d’après SAMA, 2012).

37Au-delà de l’important différentiel de salaire qui appuie ce que l’analyse standard appelle « la dualité du marché du travail », la main d’œuvre immigrée apparaît comme caractère indispensable au capitalisme rentier saoudien. En Arabie saoudite, la rente a permis de fournir une aisance monétaire et matérielle à une fraction importante de la population nationale, ce qui n’a toutefois pas abouti au développement, au sein de la société saoudienne, d’un rapport salarial si caractéristique des sociétés capitalistes occidentales. « La possession d’argent, de subsistances, de machines et d’autres moyens de production, ne fait point d’un homme un capitaliste, à moins d’un certain complément, qui est – le salarié, un autre homme, en un mot, forcé de se vendre volontairement » (Marx, 1969, p. 569). Comme l’indiquait Beaugé (1986) il y a maintenant plusieurs décennies, « en redistribuant de façon improductive une part considérable de surplus rentier en direction des populations rurales, qui ont été précarisées par les nouveaux modes de production et d’échange, l’État contribue aussi à placer des segments entiers de la population nationale sous assistance, et bloque les mécanismes qui auraient pu conduire à dégager une offre interne de travail ». Bénéficiant de la redistribution, même partielle, de la rente au travers d’importantes dépenses publiques, la population saoudienne est en fait peu encline à se vendre sur un marché du travail, d’où les difficultés d’établissement d’un rapport salarial dominé par le capital dans de telles sociétés. La main d’œuvre importée vient partiellement remédier à cette carence.

38Avec la redistribution de la rente dans la société saoudienne, associée au système de la kafala, s’est développée en Arabie saoudite ce que Beblawi (1987, p. 52) n’hésite pas à appeler une « mentalité rentière ». Le rentier, dans cette vision, correspond plus à une fonction sociale au sein du groupe qu’à une catégorie économique. Son trait principal est qu’il ne participe pas activement à la production économique, et notamment la production industrielle. Ne faut-il pas y voir ce que soulignait Veblen (1970, p. 27), à savoir que « rares sont les personnes de la bonne société à qui les formes vulgaires du travail n’inspirent pas une répugnance instinctive » ? « Nous avons, poursuivait-il, un sentiment tout rituel de l’impureté de certaines professions, surtout de celles que notre pensée associe aux emplois serviles ». L’analyse de l’organisation des activités sur le territoire semble aller dans ce sens. Les Saoudiens, d’après les observations qui en sont faites (par exemple Rigoulet-Roze, 2007 ; Mellahi et Wood, 2001), répugnent à exercer certaines tâches perçues comme socialement ingrates, sinon honteuses, de sorte que les seuls candidats à ces postes sont des immigrés. Le secteur public, socialement valorisé et alimenté financièrement par la rente pétrolière, est alors le seul employeur restant pour la population saoudienne. Il n’a donc cessé de se développer, ses dépenses augmentant à un rythme soutenu (figure 1).

Figure 1. Recettes et dépenses du gouvernement saoudien, 2006-2011, en milliards de dollars courants

Figure 1. Recettes et dépenses du gouvernement saoudien, 2006-2011, en milliards de dollars courants

Sources : Graphique de l’auteur à partir de SAMA (2011 ; 2012 ; 2013) et Banque Saudi Fransi (2011b)

39Le prix du baril nécessaire à l’équilibre budgétaire est de plus en plus élevé, dépassant désormais 80 dollars (Direction générale du Trésor, 2011 ; FMI, 2011), et la croissance du secteur public ne parvient pas à diminuer un chômage qui augmente avec la pression démographique. Des politiques de « préférence nationale » ont été lancées à plusieurs reprises dans le pays, visant à relancer l’emploi des Saoudiens, mais elles ne parviennent pas à aboutir du fait du maintien des structures du régime rentier.

3. 3. Les difficultés annoncées de la saoudisation

40La saoudisation vise à augmenter l’emploi des nationaux, à réduire la dépendance vis-à-vis de la main d’œuvre étrangère. Depuis le début des années 1990, chaque plan est marqué par des annonces de mesures visant à « nationaliser » le marché du travail, sans résultat. Les mesures prises dans les années 2000 semblent toutefois accentuer cette politique, passant désormais par des taxes et pénalités.

  • 10 Les quotas sont en fait calculés selon le secteur d’activité de l’entreprise et sa taille en termes (…)

41Selon un décret de 2006, le taux de Saoudiens employés dans le secteur privé doit être de 30 % (Ramady, 2013). Celui-ci a été remplacé par le Nitaqat, en 2011, qui établit un système d’incitations. Les entreprises sont classées « vertes », « jaunes », et « rouges » en fonction de leur respect des quotas10. Le respect des quotas donne droit à la couleur verte, et par conséquent à l’embauche de nouveaux immigrés, à la délivrance de visas, et au possible débauchage d’employés des entreprises classées « rouges ». La zone « verte » est définie par un taux d’employés saoudiens compris entre 10 et 27 % du total des employés. La zone « jaune » concerne les entreprises dans lesquelles le taux d’employés saoudiens est compris entre 4 et 10 % du total des employés. Cela veut dire que l’entreprise concernée ne remplit pas les critères de la saoudisation, mais envoie des signaux qui laissent entendre que ces critères seront prochainement remplis. Enfin, la zone « rouge » concerne les entreprises qui emploient moins de 4 % de Saoudiens. Les travailleurs immigrés de ces entreprises peuvent en théorie changer d’emplois, ou bien quitter le pays, sans l’accord de leur sponsor (Ramady, 2013).

  • 11 Le salaire minimum en question ne concerne que les « nationaux » et non les immigrés.

42Le ministère du Travail a annoncé au début de l’année 2013 l’instauration d’un salaire minimum dans le secteur privé au niveau de 3000 riyals saoudiens, soit environ 800 dollars11. Le salaire minimum est envisagé à un niveau supérieur au Hafiz (2000 riyals), qui garantit un revenu pendant un an à un Saoudien sans emploi qui en fait la demande. Cette mesure devrait susciter l’intérêt des jeunes qui trouveront dans le secteur privé des salaires plus élevés que ceux perçus par les immigrés. Les salaires ne sont cependant pas harmonisés avec ceux du secteur public, bien supérieurs à 3000 riyals. Le salaire minimum pour les Saoudiens peut inciter les entreprises à embaucher le minimum requis de nationaux afin d’obtenir l’appréciation « verte » ou « jaune », et ne pas utiliser réellement cette main d’œuvre pour continuer à avoir recours à une main d’œuvre immigrée plus productive et surtout moins coûteuse. Un autre risque direct que présente la politique de saoudisation réside dans la tentative de délocalisation d’entreprises qui préfèreraient des pays plus ouverts au travail immigré, offrant donc des avantages en termes de compétitivité du fait de cette main d’œuvre qualifiée et relativement bon marché dans d’autres pays du Golfe.

43La politique de saoudisation est donc susceptible d’entrer en conflit avec l’objectif de diversification de l’appareil productif de l’Arabie saoudite, les travailleurs immigrés étant largement impliqués dans le secteur non-pétrolier du fait de leurs bas salaires. La politique de saoudisation semble prendre à contresens le « sentier » tracé par les structures institutionnelles et les mécanismes d’incitation qui en résultent. La rente pétrolière a à la fois permis et rendu nécessaire l’immigration. Le régime rentier a créé les conditions pour que le secteur privé soit en fait amené à ne pouvoir salarier que des immigrés, les seuls se présentant à des postes pour un salaire ne compromettant pas la profitabilité de l’activité. La croissance économique crée donc des emplois quasi-exclusivement occupés par des immigrés, ceux-ci étant à l’origine d’une grande partie de la valeur ajoutée dans l’économie (Ramady, 2013).

44L’échec de ces politiques de saoudisation transparaît dans l’observation des réformes entreprises dans les années 1990 : au lieu d’une diminution souhaitée de 319 000 travailleurs immigrés sur le territoire, entre 1995 et 2000, le pays en a accueillis 58 000 supplémentaires (Looney, 2004). Même les mesures les plus récentes, censées être plus ciblées, semblent improductives : si l’économie saoudienne crée des emplois, ils sont occupés par des immigrés (Ramady, 2013 ; FMI, 2013a). Le nombre de visas pour le travail immigré a continué à augmenter. Les classes marchandes, puissantes, ont soutenu l’immigration. C’est le secteur public, particulièrement en 2010 et 2011, qui a assuré les créations de postes pour les Saoudiens, malgré la croissance forte du secteur privé. Les objectifs publics de réduction du chômage ne sont par conséquent pas respectés, ils sont d’ailleurs de moins en moins ambitieux : le huitième plan (2005-2009) visait à ramener le taux de chômage à 2.8 %, ce dernier s’élevait pourtant en 2009 à 10.5 %. Le neuvième plan ambitionne de ramener le chômage en 2014 à un taux de 5.5 % (Ramady, 2013). Chez les Saoudiens, il est de 12 % en 2013 (FMI, 2013a).

45Ce chômage pose un réel problème social et politique au pays, car il questionne la pertinence d’un des canaux de distribution de la rente. La population nationale se voit distribuer la rente au travers de plusieurs canaux. Les services publics en sont un, ceux-ci étant particulièrement développés, notamment pour la fourniture d’une couverture santé, de l’éducation gratuite, et d’une aide pour le logement. La charité, canal rarement évoqué, en est un autre particulièrement important au sein du royaume pour la légitimation du pouvoir monarchique (Le Renard, 2008). L’emploi dans le secteur public est cependant un des canaux essentiels de la redistribution de la rente, au travers d’une rémunération élevée, largement supérieure à celle perçue en moyenne dans le secteur privé, et accompagnée d’avantages en nature que l’on ne retrouve pas dans le privé. Le secteur public a longtemps été une forme d’employeur en dernier ressort de la population des hommes saoudiens, mais il est aujourd’hui considéré dans de nombreuses analyses comme saturé (Forstenlechner et Rutledge, 2010). C’est une des causes de la hausse du taux de chômage au fur et à mesure que la population jeune arrive en âge de travailler. Devant l’impossibilité d’obtenir un emploi public, les individus se placent sur liste d’attente, et par conséquent sont comptabilisés comme chômeurs, privés d’un compromis jusque-là important dans la société saoudienne.

  • 12 La distribution de revenus monétaires est certes essentielle mais elle n’est pas la seule cause de (…)

46Confronté à des manifestations dans la vague des printemps arabes, menées notamment par la jeunesse sans emploi, le gouvernement a décidé de renforcer le canal de redistribution des dépenses publiques, ce qui a permis d’éteindre les protestations12. Combinées à une hausse des salaires de 15 % dans l’ensemble du secteur public, les aides sociales se sont révélées être un canal efficace pour la transmission de la rente. Le plan « de relance » est considérable : les manifestations de 2011 en Arabie saoudite ont généré deux décrets royaux (datant des 23 février et 18 mars) débloquant un paquet budgétaire de 400 milliards de riyals (110 milliards de dollars, soit 19 % du PIB), dont 117 milliards (31 milliards de dollars, soit tout de même 5.5 % du PIB) dépensés dès 2011.

47Au final, malgré des tentatives politiques, le cadre institutionnel instauré avec le régime rentier et les structures d’incitations qui l’accompagnent se maintiennent. Toutefois, dans un tel cadre, les entreprises privées sont amenées à employer des immigrés, plus productifs, relativement plus qualifiés, et moins coûteux. Ceux-ci ont sans doute permis le maintien d’un secteur privé sur le territoire malgré les effets adverses de la rente pétrolière. Si le gouvernement saoudien s’emploie à faire émerger un secteur privé, et particulièrement industriel, les politiques à cet effet présentent des résultats décevants.

4. La politique industrielle et le secteur privé

48La plupart des hommes d’affaire du pays pensent qu’une stratégie économique viable pour le capitalisme saoudien passe par le développement d’industries manufacturières (Lippman, 2012, p. 90). Celles-ci semblent d’autant plus nécessaires que ce sont celles qui sont susceptibles d’offrir d’importants gains de productivité et qui permettent de poursuivre une stratégie de croissance contrainte par la globalisation et la concurrence internationale (Rodrik, 2011). La croissance de la productivité est nécessaire pour le maintien et l’accroissement de l’emploi industriel en Arabie saoudite. Or, ce dernier doit faire face à la concurrence internationale, alors que la productivité du travail dans le pays stagne, voire diminue ces dernières années (Banque Saudi Fransi, 2011a). La croissance démographique rend pourtant nécessaire la création d’emplois et une croissance forte du PIB (au moins 6 %) pour que la nouvelle génération de Saoudiens qui arrivent sur le marché du travail ait accès à un emploi, dans un contexte où l’emploi public semble saturé. La diversification industrielle est l’objectif supposé répondre à l’entrée annuelle de 400 000 jeunes sur le marché du travail (Lippman, 2012, p. 87). Cependant, les formes prises par les industries du pays révèlent une dépendance au pétrole, directe ou indirecte.

4. 1. Le tissu industriel non pétrolier

49En 2008, l’Arabie saoudite comptait 4167 usines de production manufacturière dans des domaines divers (emballages, plastiques, agroalimentaires) employant 466 661 salariés, étrangers pour la majorité d’entre eux (Lippman, 2012, p. 87). La valeur ajoutée de l’industrie manufacturière est faible dans le pays : en 2005 elle s’élevait à 9 % du PIB, alors que ce chiffre est de 20 % pour l’Égypte, et autour de 35 % pour un pays d’Asie comme la Malaisie (Lippman, 2012, p. 102).

50Aujourd’hui, le secteur non-pétrolier connaît une croissance soutenue dans le pays. Cette croissance s’élève à 6.2 % en 2010 et à 8 % en 2011 (SAMA, 2012), mais elle est à relativiser dans la mesure où le secteur de la pétrochimie est considéré comme « non-pétrolier » alors que ses liens avec l’industrie pétrolière sont évidents. Ainsi, la décomposition du solde commercial non pétrolier du pays laisse apparaître que plus de 72 % des exportations sont celles de la SABIC, entreprise publique considérée comme une « poche d’efficience » pour le pays, et œuvrant essentiellement dans la pétrochimie. En 2011, environ 84 % des exportations non-pétrolières du pays relevaient du secteur pétrochimique (OCDE, 2013, p. 41). L’industrie « non-pétrolière » est largement dépendante du pétrole, soit directement car elle se situe dans la chimie, la pétrochimie, les plastiques, les fertilisants, qui dérivent du pétrole, soit indirectement car les structures qui y émergent, comme ce fut le cas dans les années 1970, dépendent en fait des subventions et autres dépenses gouvernementales qui maintiennent en activité ces industries.

Figure 2. Solde commercial du royaume selon la nature des biens échangés, en valeur (en milliards de dollars), 2002-2010

Figure 2. Solde commercial du royaume selon la nature des biens échangés, en valeur (en milliards de dollars), 2002-2010

Sources : ministère de l’Économie et du Plan. Graphique de l’auteur

  • 13 Plus le pétrole est abondant et peu coûteux à extraire, plus la rente qui en découle est importante (…)

51L’Arabie saoudite, à l’instar des économies du Golfe, n’a jamais été industrialisée. Le secteur privé, à la différence du secteur public (qui comprend des entreprises nationales comme la SABIC ou encore la compagnie nationale de pétrole, la Saudi Aramco), est largement déficitaire au niveau des échanges internationaux. La tendance est d’ailleurs au creusement des importations de produits finis dans la balance commerciale, ce que montre clairement la décomposition du solde commercial (figure 2). Les difficultés du développement industriel sont une conséquence de la rente, comme l’explique Bresser-Pereira (2008). Dans son analyse, les industries manufacturières des pays rentiers sont affectées par le taux de change réel qui découle des exportations de produits primaires : plus un pays dépend d’une rente primaire, plus le taux de change réel de ce pays s’éloigne de celui qui permettrait aux industries manufacturières d’être compétitives13.

52L’Arabie saoudite étant nécessairement une économie ouverte sur le plan commercial, ne serait-ce que parce que son solde commercial dégage un excédent correspondant à 25,9 % de son PIB en 2012 (d’après la Banque mondiale), les activités placées sur des créneaux concurrencés sur le plan international se trouvent défavorisées. Toutefois, une bourgeoisie nationale a émergé de ce cadre dans les activités tournées vers l’économie domestique, notamment dans les transports, la communication, le commerce (en gros et au détail), la restauration ou encore l’hôtellerie qui sont aujourd’hui les secteurs les plus performants du privé (Bank Audi, 2014). Les règles de la kafala, qui prévoient que les étrangers ne puissent pas être propriétaires fonciers sur le territoire saoudien, a par exemple enrichi une bourgeoisie centrée sur le secteur immobilier. Si certains saoudiens se contentent de bénéficier d’une rente de nationalité (Beaugé, 1986), d’autres ont développé de florissantes affaires. Pour Luciani (2005), il serait une erreur de présenter l’État saoudien comme « anti-business ». Il a plutôt eu un comportement de protecteur pour le secteur privé, et son action a été de le soutenir au travers de subventions. Le gouvernement n’a donc pas évincé le secteur privé, mais plutôt réalisé des investissements que ce dernier n’aurait pas été en mesure d’entreprendre. Les politiques expansionnistes de l’État ont d’ailleurs enrichi les entrepreneurs dont les activités ont été sollicitées pour la réalisation d’infrastructures.

53Les difficultés de l’industrie manufacturière à émerger ont amené l’État à intervenir. Le problème posé par « l’ambivalence de la rente, ni profit ni salaire, et cependant les deux à la fois », ne saurait en effet être surmonté « sans la médiation forte de l’État dans le processus de sa réalisation » (Talha, 2003). Dans les sociétés rentières, à l’inverse des sociétés capitalistes « développées », on constate l’absence d’une autonomisation de l’ordre économique vis-à-vis de l’ordre politique, ce qui est remarquable dans l’appareil industriel saoudien. L’État est ainsi largement impliqué dans les tentatives de développement industriel du pays.

4. 2. L’impératif des subventions issues de la rente pour la survie d’un secteur non pétrolier

54Si dans ce travail, l’accent est mis sur le rôle des autorités politiques pour l’économie saoudienne, c’est parce que le fonctionnement de celle-ci leur fait jouer un rôle de première importance. L’économie monétaire que l’on se propose d’étudier ici est tout de même soumise à une contrainte qui fonde l’intervention du politique dans l’économie : la masse de riyals en circulation découle de la conversion des recettes d’exportation en dollars. Les recettes en dollars sont déposées sur un compte à la SAMA, qui est également la banque du gouvernement. Celle-ci crédite alors le gouvernement en convertissant les pétrodollars en riyal (Al-Hamidy et Banafe, 2013). Le gouvernement doit ensuite effectuer des choix d’affectation de ces ressources. Dans une telle configuration, l’État est indispensable au processus d’accumulation. C’est pourquoi l’économie saoudienne est sujette à une planification. L’État oriente l’économie à travers un plan quinquennal, et il prend part aux investissements industriels, quand il n’en est pas à l’initiative. La figure 3 expose le rôle croissant que joue l’investissement public dans le secteur non pétrolier, tandis que l’investissement privé tend à stagner dans les années 2000.

Figure 3. Investissement dans le secteur non-pétrolier en Arabie saoudite, en % du PIB, 2002-2011

Figure 3. Investissement dans le secteur non-pétrolier en Arabie saoudite, en % du PIB, 2002-2011

Source : Banque Saudi Fransi (2011c). Pour l’année 2011, il s’agit d’une estimation.

55Les Saoudiens sont amenés à effectuer des placements à l’étranger ou à renoncer à investir, par manque de perspectives de valorisation de leurs capitaux sur leur propre territoire. La production domestique y reste trop faible, et les marchés de capitaux y sont encore sous-développés, ce qui explique une grande partie des sorties de capitaux effectuées par les résidents (Al-Jasser et Banafe, 1999). Comme nous l’avons vu, malgré l’existence de moyens financiers importants, les conditions du rapport salarial capitaliste sont difficilement réunies. Quand bien même une force de travail est disponible au travers de l’emploi d’une main d’œuvre immigrée, une entreprise éprouve des difficultés à émerger et à être compétitive sachant les mécanismes de fixation du taux de change réel largement orientés par les recettes d’exportations du pétrole. Les projets non liés à l’industrie du pétrole voyant le jour dans le pays sont ceux qui sont solidement soutenus par les dépenses gouvernementales.

56Les secteurs s’articulent selon une logique hiérarchisée : le pétrole génère l’activité initiale, certaines activités en aval dépendent alors de sa capacité à dégager des financements provenant des recettes d’exportations. Si ces derniers se révèlent importants, des projets de développement et de diversification sont susceptibles de voir le jour (notamment dans le cadre d’une remontée de la filière pétrolière avec le pétrole bon marché servant d’input). À chacune de ces étapes, les autorités publiques sont mobilisées. D’abord parce que la réorientation des financements est décidée par des responsables du secteur public : la compagnie pétrolière Saudi Aramco, à la base de cette dynamique, est elle-même une entreprise publique, et parmi les entreprises en aval qui sont sollicitées dans de tels projets de développement, l’État détient encore des parts majoritaires dans les principales (voir tableau 1). C’est notamment le cas des plus importantes infrastructures pétrochimiques. Les entreprises privées sont impliquées dans ces projets au travers d’appels d’offres, et en tirent profits (Luciani, 2005), ce qui s’oppose encore une fois à la vision d’un secteur public en conflit avec le privé.

Tableau 1. Entreprises stratégiques dont le gouvernement est l’actionnaire majoritaire

Finance

Samba Financial Group, Riyad Bank, Al Rajhi Bank, Alinma Bank, Al Khalij Commercial Bank, Saudi Investment Bank, Banque Saudi Fransi, SABB, The Company for Cooperative Insurance.

Pétrole et gaz

Yanbu National Petrochemical Company, Saudi Kayan Petrochemical Company, National Gas and Industrialisation Company, Saudi International Petrochemical Company, Rabigh Refining and Petrochemical Company, National Petrochemical Company

Électricité, Infrastructures et Télécoms

Saudi Electricity Company, Saudi Post, Saudi Telecom

Transports

Saudi Public Transport Company, The National Shipping Company of Saudi Arabia, Saudi Railways Organization

Construction

Saudi Real Estate Company

Autres

Saudi Arabian Mining Company, Southern Province Cement Company, SABIC, Saudi Arabian Fertilizer Company, Saudi Industrial Investment Group, National Industrialization Company

Source : OCDE, 2013. Cette liste n’est pas exhaustive.

57Le secteur privé non-pétrolier est ainsi maintenu en activité au moyen de subventions. Sid Ahmed affirmait en 2000 que « la concentration des activités du privé sur des projets à rendements rapides et fortement subventionnés a été mise en évidence dans toutes les économies pétrolières, et notamment en Arabie saoudite. Dans ce dernier cas, la viabilité de secteurs privés nés de la rente est ouvertement mise en cause dans la phase basse du cycle pétrolier » (Sid Ahmed, 2000, p. 509). On peut douter du fait que l’Arabie saoudite ait établi une stratégie pour préparer l’après-pétrole au moyen du développement d’industries dans le secteur privé, sachant que celui-ci dépend des recettes du pétrole, redistribuées sous forme de subventions. Le gouvernement joue alors un rôle complexe « d’intermédiaire principal entre le secteur pétrolier et le reste de l’économie » (Sid Ahmed, 2000, p. 503).

58Sans opérer de retraite, le gouvernement semble toutefois laisser un espace croissant aux pratiques associées traditionnellement aux règles du « marché ». D’abord, bien que les entreprises publiques soient toujours dominantes dans les secteurs stratégiques (OCDE, 2013), la tendance est à la privatisation progressive et à l’ouverture du capital aux investisseurs privés de certaines entreprises publiques. Des décisions ont été prises pour renforcer la concurrence sur les divers marchés et ainsi s’attaquer aux pratiques monopolistiques anti-concurrentielles (avec notamment la « Competition Law » entrée en vigueur en 2005). Elles vont de pair avec l’adhésion du pays à l’Organisation mondiale du Commerce en 2005, et l’assouplissement induit d’un grand nombre de protections. Il est notamment prévu que les entreprises étrangères voient leur accès facilité sur le marché domestique, et qu’elles aient la possibilité de détenir la majorité du capital d’entreprises domestiques (Mansour et Ramady, 2006). Les subventions au secteur privé sont également remises en question. Le risque est bien présent que certaines firmes saoudiennes disparaissent du fait de la fin des subventions, remplacées par des entreprises étrangères.

59La politique industrielle menée en Arabie saoudite est donc financée par une réallocation de la rente, mais secondaire, voire résiduelle. Par ailleurs, sa sensibilité aux prix du baril limite l’ouvrage de la diversification industrielle. En comparaison, les fonds souverains représentent un moyen bien moins contraignant de pérenniser les revenus et la richesse du pays, y compris quand son sous-sol ne disposera plus de pétrole.

5. Les fonds souverains

60Les pays qui font face à une expansion très vive de leurs exportations primaires trouvent un intérêt, dans le but de lutter contre une surévaluation de leur taux de change réel et ralentir la désindustrialisation de leur production, à stériliser la rente en la plaçant dans un fonds en devises étrangères. C’est ce que Corden (1984, p. 375) appelle « la protection du taux de change ». Les fonds souverains correspondent d’une certaine manière à cet objectif.

61Ils peuvent être définis au sens large comme un groupe divers de véhicules d’investissements contrôlés par une entité publique (McKinsey, 2009). À la différence des réserves de change traditionnelles, ils sont gérés activement et sont en quête d’une rémunération plus élevée. Ils n’ont pas « d’engagement contractuel de passif » et gardent dans leur portefeuille des actifs en espérant une plus-value lors de leur revente (Blancheton et Jegourel, 2009).

Figure 4. Actifs étrangers détenus par la SAMA, en milliards de dollars, 1993-2013

Figure 4. Actifs étrangers détenus par la SAMA, en milliards de dollars, 1993-2013

Source : Graphique réalisé par l’auteur à partir de données de la SAMA (2012 ; 2013).
*Pour 2013, les données de la SAMA ne sont disponibles que pour le premier trimestre de l’année.

62Avec la hausse des prix du pétrole, les actifs étrangers détenus par la SAMA n’ont cessé d’augmenter, excepté en 2009 où le prix du pétrole est resté à un faible niveau suite au krach de l’automne 2008 (figure 4). Au premier trimestre 2012, la SAMA détenait plus de 2100 milliards de riyals saoudiens d’actifs étrangers, soit 560 milliards de dollars (SAMA, 2012).

5. 1. Un moyen de stériliser la rente pétrolière tout en préparant l’après pétrole ?

63La plupart des pays exportateurs de pétrole disposent d’un fonds souverain. Celui-ci permet de placer une partie de la rente pétrolière issue des exportations d’hydrocarbures. Le prix du pétrole étant particulièrement volatil, les recettes des États exportateurs le sont aussi dans un grand nombre de ces pays, où le pétrole a au moins un rôle de consolidation budgétaire. Lorsque le prix du pétrole chute, les fonds souverains sont sollicités pour venir compléter le budget national. Lorsqu’il est élevé, seule une fraction des recettes qui alimentent annuellement le fonds (recettes d’exportations du pétrole, mais aussi revenus provenant des actifs financiers) est mobilisée pour consolider le budget national.

  • 14 Comme on l’a vu plus haut dans la partie sur le régime de change du pays, l’indépendance vis-à-vis (…)

64Chez les économistes qui cherchent des réponses à la maladie hollandaise (par exemple Setser, 2007 ; Frankel, 2010 ; CNUCED, 2012), une politique fiscale qui canalise les recettes pétrolières vers un fonds géré de manière indépendante du gouvernement, à l’abri de toute politique discrétionnaire, recueille de nombreux appuis14. L’alimentation du fonds souverain par les recettes pétrolières est analysée comme un moyen de stériliser la rente et de neutraliser ainsi ses effets, puisque les actifs du fonds sont placés en devises étrangères.

65Les fonds souverains apparaissent ainsi comme un moyen de faire fructifier le pétrole une seconde fois : si l’apparition de la rente s’opère sur le marché des hydrocarbures, la deuxième valorisation s’effectue au travers des marchés financiers. La décision de diriger les recettes pétrolières vers un fonds pour les transformer en capital n’est pas sans rappeler la règle de Hartwick (1977) selon laquelle l’extraction d’une ressource non renouvelable doit être compensée par l’utilisation de la rente à des fins de constitution de capital, et de biens de production. Cette règle implique que seuls les rendements issus de ce capital pourront être consommés par l’économie intérieure.

5. 2. Les fonds souverains en Arabie saoudite

66L’excédent du compte courant de l’Arabie saoudite en 2011 a été de plus de 158 milliards de dollars (d’après les données de la Banque mondiale). La décision revient au gouvernement de l’orientation de la gigantesque rente qui s’en dégage. Son choix a été, comme dans la plupart des pays exportateurs de pétrole, de gérer les réserves de change de manière « active » pour en tirer des revenus financiers. L’Arabie saoudite a adopté un comportement très peu risqué, son portefeuille contenant essentiellement des titres liquides, ce qui laisse penser que les fonds souverains qu’elle dirige sont destinés à avoir avant tout une fonction stabilisatrice, de conservation de valeur, afin de faire face à de potentielles fluctuations du prix du pétrole préjudiciables aux finances publiques du pays (Blancheton et Jegourel, 2009). Une telle prudence, impliquant des rendements faibles, est aussi associée à la recherche de liquidité qui permet de secourir la parité fixe au dollar en cas de besoin. Ces placements sûrs se trouvent être majoritairement des bons du trésor américain (Setser et Ziemba, 2009), ils ont également pour effet de soutenir l’endettement de l’économie américaine.

  • 15 Ces informations sont tirées des diverses dépêches fournies par les travaux d’universitaires d’Oxfo (…)

67L’Arabie saoudite, peu transparente sur les activités financières liées à la gestion de ses actifs étrangers, compte au moins quatre fonds souverains, dont les apparitions publiques sont rares. Son principal fonds est directement géré par la SAMA, il s’agit du SAMA Foreign Holdings qui est essentiellement constitué d’obligations de dettes souveraines, en principe très peu risquées. Il s’élève à 532,8 milliards de dollars en mars 2013. Un fonds souverain de moindre taille est destiné à diriger des fonds vers des projets d’investissements au sein du royaume. Il s’agit du Public Investment Fund (PIF), doté de 5.3 milliards de dollars. Le fonds Sanabil al-Saudia est un fonds plus récent, lancé semble-t-il en mai 2009, théoriquement affilié au PIF, mais pouvant acheter un éventail plus large d’actifs, et avec un mandat global15. Enfin le Hassana Investment Company (HIC), créé en 2009, dirigé par une entité publique, le GOSI (General Organization for Social Insurance), gère les actifs liés aux pensions du pays, au travers d’opérations sur les marchés financiers internationaux.

68En Arabie saoudite, il n’existe pas de fonds souverain indépendant d’une structure officielle en amont. L’essentiel des actifs à l’étranger sont gérés par la SAMA, elle-même responsable devant le ministère des Finances. La gestion des actifs est donc subordonnée aux priorités des autorités monétaires, du gouvernement, et de l’ancrage du riyal au dollar. On retrouve ici encore un instrument visant la stabilisation de l’insertion internationale du pays, que nous avons déjà évoqué comme le rapport institutionnel dominant du régime rentier. La plus grande partie des actifs sont placés en obligations ou en titres publics peu risqués et liquides, ce qui assure aux autorités une souplesse et une rapidité d’intervention sur le marché des changes en cas de besoin.

5. 3. Les limites posées par les fonds souverains saoudiens

69Le fonds souverain, par le biais d’un placement à l’étranger des recettes pétrolières, peut empêcher « l’effet dépense » lié à la dissémination de la rente pétrolière dans l’économie et par conséquent être vu comme une institution visant à isoler l’économie nationale de la rente et du syndrome que celle-ci peut générer (Corden et Neary, 1982). Si un fonds souverain peut freiner la désindustrialisation d’un pays, le fonds saoudien, dont la vocation est essentiellement la stabilisation des revenus du pays issus de l’étranger (Setser et Ziemba, 2009 ; McKinsey, 2009), peut difficilement être perçu comme un instrument de son industrialisation. Ceci est d’autant plus vrai que le fonds souverain génère finalement une rente, cette fois-ci d’origine financière.

70Les fonds gérés par la SAMA doivent plutôt être compris comme un moyen de gérer la consolidation budgétaire pour le gouvernement saoudien lorsque les prix du pétrole sont faibles et qu’ils ne permettent pas d’atteindre l’équilibre budgétaire (ce seuil, comme nous l’avons dit plus haut, se situe à plus de 80 dollars, et ne cesse d’augmenter [FMI, 2011]). Le fonds souverain est aussi un outil qui permettra pour une certaine période la continuité des dépenses budgétaires lorsque les réserves de pétroles seront épuisées. Les éléments qui risquent d’accélérer ce recours sont la démographie de l’Arabie saoudite ainsi que la tendance à la hausse des dépenses publiques visant l’apaisement des tensions sociales dans un pays qui souffre d’un chômage élevé et d’une saturation du secteur public. Un troisième élément réside dans la consommation de pétrole du pays, une des plus élevées au monde, et en croissance soutenue. Elle est passée de 74,7 millions de tonnes en 2001 à 129,7 en 2012 (BP, 2013). Un saoudien consomme en moyenne plus de pétrole qu’un citoyen des États-Unis. Cette consommation accélère l’épuisement de la source de richesse de l’Arabie saoudite.

  • 16 Hugo Micheron, dans le Monde du 1er avril 2013, rapporte que le Bahreïn et Oman utiliseraient déjà (…)

71Les pays du Golfe ont été affectés par la crise au travers de la chute du prix du baril de pétrole. Pour soutenir le niveau des dépenses publiques et le niveau d’importations, les gouvernements des pays du CCG ont mobilisé leur fonds souverain (Setser et Ziemba, 2009). Il est probable que ce soit de plus en plus le cas, leurs dépenses publiques augmentant rapidement16. La démographie de la population saoudienne et l’incapacité de son économie à créer des emplois rend en tout cas réaliste cette hypothèse.

72Les fonds souverains permettent de lisser les revenus du gouvernement saoudien sachant les placements effectués par la SAMA peu risqués, privilégiant la capacité de conservation de valeur, en investissant dans des bons du trésor américain – ce qui par ailleurs soutient l’économie américaine alliée du régime. Cependant, ce mécanisme ne remet pas en cause la dépendance au pétrole, source principale des revenus du fonds, de même que ce fonds ne contribue pas à impulser une modification profonde du tissu productif saoudien. À nos yeux, les fonds souverains saoudiens sont un instrument politique supplémentaire permettant la survie du régime d’accumulation rentier. Lorsque la rente pétrolière est manquante, le gouvernement fait appel au fonds souverain afin qu’il pourvoie à la continuité du système économique. La rente financière assurée par le fonds devient un substitut à la rente pétrolière, permettant le maintien des rapports économiques et sociaux prévalant dans le royaume saoudien.

Conclusion

73Nous avons ainsi étudié quatre institutions saoudiennes, observant pour chacune d’elles un lien direct avec la rente pétrolière, qui est le moteur de la croissance saoudienne. Le régime de change d’ancrage au dollar intervient en amont, car répond à l’impératif de la conversion des exportations de pétrole dans la devise universellement acceptée pour ensuite réaliser les importations de biens de capitaux dont l’économie saoudienne a besoin, servant ainsi de passerelle entre l’économie domestique et le reste du monde dont toute économie rentière, par essence, a besoin.

74En leur affectant une partie des revenus du pétrole, les autorités permettent à des industries non-pétrolières de subsister. Cette redistribution est fragilisée par la lutte dont la rente est l’objet. Lorsque les recettes pétrolières ne croissent pas assez pour qu’une fraction de son montant soit redistribuée aux industries, celles-ci sont condamnées. En octobre 2014, le prix du panier de l’OPEP se situe autour de 85 dollars le baril (OPEP, 2014), soit bien en deçà de son niveau de 2011 (qui était de 107 dollars). Or, les pressions démographiques, le chômage, et l’instabilité sociale qui en découlent, ont tendance à aspirer la rente pétrolière, elle-même fragilisée dans une certaine mesure par la mise en chantier de nouveaux champs, notamment les pétroles de schistes. C’est ainsi que, pour apaiser le climat tendu suite aux « Printemps arabes », les autorités saoudiennes ont augmenté significativement les dépenses sociales (FMI, 2011). De ce fait, le développement industriel ne semble pas une réelle priorité de la monarchie rentière, particulièrement lorsque sa structure est menacée. À défaut de bénéficier de recettes pétrolières en hausse rapide, l’heure est alors à la rationalisation du capitalisme saoudien, et à l’effacement des industries, toujours naissantes, qui ne parviennent pas à être compétitives.

75Après cette étude de l’Arabie saoudite, le constat que fait Sid Ahmed en 1988 à propos des pays rentiers nous semble d’actualité. L’auteur affirmait notamment que :

Le danger auquel est confronté l’État rentier est que les dépenses publiques gouvernementales créent une impression de prospérité et de croissance, la masse de la population peut rester à l’état retardé et les facteurs les plus importants de la croissance à long terme recevoir peu ou aucune attention. De plus l’écart avec les autres pays en développement peut se creuser dans le temps. Alors que dans la majeure partie des pays en développement, ce type de régression relative conduit normalement à tirer la sonnette d’alarme et à certaines explosions en vue du changement du statu quo, le bien-être croissant et la prospérité (d’une partie au moins de la population) acquis à la suite des dépenses publiques et des importations importantes occultent l’urgence du changement et de la croissance ressentis ailleurs. Les inégalités frappantes de revenu et de richesse peuvent créer des frictions, mais pas autant que dans les autres pays en développement, puisque la source de ces inégalités ne réside pas dans l’exploitation directe des gens mais dans celle des ressources naturelles. En conséquence, le retard économique et technologique de l’État rentier peut facilement coïncider avec un type plus grave de sous-développement : la stagnation sociopolitique et l’inertie. (Sid Ahmed, 1988, p. 772)

76Les rapports institutionnels que l’on vient d’étudier sont les piliers de la régulation du régime d’accumulation tiré par la rente en Arabie saoudite. Toutefois, sachant la rente en croissance faible, sinon en recul, la variable démographique inscrit le pays dans une dynamique instable : ou bien des choix visant à rationaliser davantage le capitalisme rentier devront voir le jour (accentuation d’une recherche de rente financière, pressions sur les coûts de la main d’œuvre immigrée par exemple), ou alors la nature du régime d’accumulation devra évoluer pour répondre aux attentes de sa population croissante.

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Bibliographie

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DOI : 10.5089/9781475570274.001

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Notes

1 Le wahhabisme, sunnisme radical, a été l’instrument de la conquête du pouvoir de la famille Saud sur le territoire saoudien. Par ailleurs, le Coran est considéré comme la constitution du pays.

2 Ce qui ne veut pas dire que le rôle du pilier religieux pour la stabilité du régime n’est pas essentiel. D’ailleurs, lors de la baisse des recettes d’exportations de pétrole au milieu des années 1980, la stabilité politique et sociale dans le pays a été assurée en grande partie par la mobilisation des autorités religieuses, même si l’endettement extérieur qui a démarré à cette époque apparaît comme une forme de substitution à la distribution de la rente.

3 On entend par rapports sociaux les relations et interactions, d’interdépendances ou non, s’établissant entre différents membres d’une organisation sociale, ceux-ci pouvant être des individus ou des groupes, selon les positions respectives de chacun de ceux-ci dans l’organisation.

4 Le choix a été fait de s’ancrer sur un panier de devises, et d’opérer, à plusieurs reprises, des réévaluations du dinar koweitien.

5 Les accords du Quincy ont été passés en 1945 entre Roosevelt et Ibn Saud et prévoient l’assurance de la sécurité du pays et la stabilité politique pour la famille royale, en échange de la fourniture du pétrole aux États-Unis.

6 Le boom du secteur des hydrocarbures aboutit à des salaires plus élevés dans ce secteur, à taux de profit constant : il s’agit de « l’effet du mouvement des ressources », présenté dans le modèle de Corden et Neary (1982). Corden (1984) précise toutefois qu’en principe, l’immigration ne parvient pas à résorber le syndrome hollandais. Les immigrés consomment des services et par conséquent ne font pas nécessairement diminuer le prix des biens non-échangeables : ils en augmentent l’offre mais aussi la demande. Même si leur salaire est faible et qu’il permet d’améliorer la situation de certains producteurs, « une certaine désindustrialisation subsiste » (Sid Ahmed, 1987, p. 897). Dans cette analyse, bien que ces travailleurs exercent une pression sur les salaires, ils ne font pas baisser le prix relatif des services. Leur activité exerce donc un effet limité sur le niveau du taux de change réel.

7 Les institutions peuvent se définir, selon North, comme les contraintes établies par les hommes qui structurent les interactions humaines, se composant de contraintes informelles (comme des normes de comportement, des conventions, des codes de conduite auto-imposés), de contraintes formelles (comme les règles, les lois, les constitutions), ainsi que des caractéristiques de leur application. La définition originale, en anglais, est la suivante : « Institutions are the humanly devised constraints that structure political, economic and social interaction. They consist of both informal constraints (sanctions, taboos, customs, traditions, and codes of conduct), and formal rules (constitutions, laws, property rights) » (North, 1991).

8 À l’exception des immigrés provenant du Yémen, qui ne sont pas soumis à ces contraintes.

9 Lorsque le sponsor n’est pas l’employeur, il joue le rôle d’intermédiaire et perçoit néanmoins une rente en tant que Kafeel, en échange de la fourniture de l’Iqama.

10 Les quotas sont en fait calculés selon le secteur d’activité de l’entreprise et sa taille en termes de nombre d’employés. Précisons aussi qu’une couleur bleue (premium) existe pour les entreprises exemplaires.

11 Le salaire minimum en question ne concerne que les « nationaux » et non les immigrés.

12 La distribution de revenus monétaires est certes essentielle mais elle n’est pas la seule cause de la fin des protestations. D’abord, une forme de « soft power » est utilisée par le pouvoir saoudien, au travers d’efforts de communication croissants (Gallarotti et al., 2012). Ensuite, le contrôle de l’ensemble des mouvements politiques et associatifs et parfois leur répression par le gouvernement sont courants dans le pays.

13 Plus le pétrole est abondant et peu coûteux à extraire, plus la rente qui en découle est importante, et plus l’intensité du syndrome hollandais est forte, du fait de l’influence des exportations primaires dans la fixation du taux de change courant (c’est-à-dire le taux de change qui résulte des échanges extérieurs du pays). Étant données les conditions de production et d’exportation du pétrole en Arabie saoudite, d’après l’analyse de Bresser-Pereira, il ne peut y émerger une industrie des biens échangeables compétitive pour des produits manufacturiers tant que la rente n’est pas neutralisée.

14 Comme on l’a vu plus haut dans la partie sur le régime de change du pays, l’indépendance vis-à-vis du politique telle qu’elle est décrite dans ces analyses n’existe pas en Arabie saoudite, les autorités monétaires étant subordonnées à la fois aux décrets royaux, aux objectifs politiques du gouvernement, et à la contrainte de l’ancrage au dollar.

15 Ces informations sont tirées des diverses dépêches fournies par les travaux d’universitaires d’Oxford autour des fonds souverains. http://oxfordswfproject.com/

16 Hugo Micheron, dans le Monde du 1er avril 2013, rapporte que le Bahreïn et Oman utiliseraient déjà leurs réserves d’actifs détenus à l’étranger pour financer leurs dépenses publiques croissantes.

Pour citer cet article

Référence électronique

Adrien Faudot, « Le régime rentier d’accumulation en Arabie saoudite et son mode de régulation », Revue de la régulation [En ligne], 16 | 2e semestre / Autumn 2014, mis en ligne le 10 décembre 2014, consulté le 05 février 2015. URL : http://regulation.revues.org/11033

Auteur

Adrien Faudot

Doctorant en sciences économiques, CREG, Univ. Grenoble-Alpes, adrien.faudot@upmf-grenoble.fr

Droits d’auteur

© Tous droits réservés

Table des illustrations

Titre Figure 1. Recettes et dépenses du gouvernement saoudien, 2006-2011, en milliards de dollars courants
Crédits Sources : Graphique de l’auteur à partir de SAMA (2011 ; 2012 ; 2013) et Banque Saudi Fransi (2011b)
URL http://regulation.revues.org/docannexe/image/11033/img-1.png
Fichier image/png, 14k
Titre Figure 2. Solde commercial du royaume selon la nature des biens échangés, en valeur (en milliards de dollars), 2002-2010
Crédits Sources : ministère de l’Économie et du Plan. Graphique de l’auteur

The North-East passage opening for the maritime cargo: economic risk and challenges

Author: Dr. Salem Y. Lakhal

It was considered an event when the Nordic Barents (Figure 1), a ship registered in Hong Kong, sailed on September 4, 2010 from Norway shipping iron ore to China through Arctic and Russian waters. This vessel used the new maritime route called the “Northeast Passage”. It is the first time a non-Russian flagged commercial bulk carrier used the Northern Sea Route (the Northeast Passage).

1700681

Figure1: Nordic Barents sailed from Norway to join China

This passage is known also by Russians as “The Northern Sea Route” (NSR) is the shipping lane between the Atlantic Ocean and Pacific Ocean along the Russian coast of Siberia and the Far East and runs through the Barents, Kara, Laptev, East Siberian and Chuck Chi seas (Dubey 2012). The NSR is a shortcut from Asia to Europe (Figure 2)

Northern passage

Figure 2: The NSR is a shortcut from Asia to Europe

In fact, it is the entire corridor which lies north of the Russian Federation in the Arctic. Consequently, the NSR is not a linear route and exact routing or optimal course of ships depends on the ice condition and size of the ships. The NSR route could shorten the voyage distance compared to transits through the Suez Canal for a Far East route, for example a route between London-Yokohama. In fact, fuel savings could be substantial depending on oil price and, the voyage time is cut back by one third (Nerenberg 2010). According to Kireeva and Digges (2012), in 2010, four trips through the Northern Sea Route were completed and 110,000 tons of cargo delivered. In 2011, more than 800,000 tons of cargo was delivered.

Vast implications for the shipping industry will be expected for a trade that was previously dependent on routes through the Suez Canal (Table 1). But, due to large amounts of ice, the Northern Sea Route is rarely open for most of the year, but that is changing with global warming.

Table 1: Ocean route alternatives between Northwest Europe and Far East, with respective approximate navigation distances, in nautical miles (nm). 1 nm = 1.852 km. Adapted from: (Christensen 2009) and (Schøyena and Bråthenb 2011)

Route Panama canal North West Passage Northern Sea Route Suez Canal Cape of Good Hope
North West Europe (London) to Far East (Yokohama) 12,580 8600 7200 11,400 14,750
Relative distance 175% 119% 100% 158% 205%

Risks and challenges:

According to Dubey (2012), the Arctic presents some unique risks. Obstacles and challenges are manifold, including the following:

  • Remoteness impacting rescue and emergency operations
  • Lack of information about safe ports
  • Insufficiently detailed charts with white spots
  • Inadequately developed infrastructure and their implications on SAR
  • Ice/winter related issues – ice accretion, ice damage, restricted visibility and multiple operational problems
  • Limited knowledge of local oceanographic conditions
  • Increased number of ice floes and icebergs during early melting season
  • Lack of reliable weather and ice information and meteorological data Limited knowledge of local oceanographic conditions
  • Conventional gyro and magnetic compasses, communication equipment may not function at its optimum level in higher latitudes
  • Unavailability of adequate number of ice trained and competent crew.

Furthermore, the Russian legislators adopted in summer 2012 a law on NSR (Russian-Government 2015) and entered into force in 2013, lays down regulations to administer NSR traffic (Ministry-transport-Russia 2013). This law includes:

  • Compulsory insurance, thus enhancing ship owners’ responsibility for possible pollution and other environmental damage
  • Outlines the level of shipping fees
  • Mandatory ice breaker service
  • Carriage of ice pilot
  • Formal authorization procedure by the Northern Sea Route Administration
  • Organize Search and Rescue operation
  • Provide radio communication and hydrographic information.

Concerning the third point, Russia is offering ice breaker service with a 200000 USD.

Conclusion

Using the Northern Sea Route has a variety of economic advantages, including swift delivery of cargoes to Asia from Europe and he west. The lack of piracy to which Asia bound cargoes is prone as they pass through the Suez Canal off the coast of Africa. The most disadvantages is, the entire route lies in Arctic waters and parts are free of ice for only two months per year

 

References

Christensen, S. A. 2009. Are the Northern Sea Routes Really the Shortest? . http://subweb.diis.dk/sw74533.asp.

Dubey, B. K. 2012. Arctic Routes: Emergence of New Trade Link. Hong Kong: Skuld Hong Kong.

Kireeva, A., and C. Digges. 2012. Russia taking on Northern Sea Route as Bellona raises alarm over Norwegian vessels under escort of nuclear icebreakers: Bellona.

Ministry-transport-Russia. 2013. RULES of navigation on the water area of the Northern Sea Route In January 17, 2013 No 7, edited by M. o. T. o. Russia: http://www.arctic-lio.com/docs/nsr/legislation/20130425185806en-Rules_unof.pdf, 1-19.

Nerenberg, J. 2010. The Northern Sea Route is rarely open due to large amounts of ice present most of the year. In Fast Company.

Russian-Government. 2015. Northern Sea information Office, edited by http://www.arctic-lio.com/nsr_legislation.

Schøyena, H., and S. Bråthenb. 2011. The Northern Sea Route versus the Suez Canal: cases from bulk shipping. Journal of Transport Geography 19 (4):977–983.

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WinouPaypal

Le banque centrale de Tunisie, vient de répondre aux revendications des jeunes internautes tunisiens qui réclamaient l’Access au service de paiement en ligne PayPal. Ceci est sans aucun doute une grande avancée en Tunisie. Pendant des années, les internautes tunisiens ont été privés d’utiliser l’internet à des fins de commerce et d’échanges. L’internet en Tunisie a toujours été limité à la simple utilisation des réseaux sociaux et des médias en ligne.

En effet, la banque centrale accordera l’accès à Paypal aux internautes désirant avoir ce service, moyennant, une demande officielle et avec un plafond à ne pas dépasser. Ce qu’il faut comprendre c’est que PayPal en tant que tel, n’est pas un but en soit, mais un moyen. Le but des internautes tunisiens est d’accéder à de la devise (dollar, euro, yen) afin d’avoir la possibilité acheter et de vendre librement sur internet (commerce en ligne).

La loi change en Tunisie : Une loi discriminatoire ?

Comme beaucoup le savent déjà, le dinar tunisien est réputé être une devise qui n’est pas librement convertible. D’un point de vue purement juridique, la non convertibilité d’une devise se définie comme suit: L’interdiction faite aux résidents d’un pays d’acheter, de vendre ou de posséder une devise étrangère. L’État, de ce fait impose l’usage d’une devise unique en interdisant à ses citoyens de faire des choix monétaires.

Cependant, il serait erroné de considérer le Dinar comme étant une devise non convertible, comme le rappelle dans cette vidéo Mr Moncef Cheikhrouhou. Le dinar tunisien est partiellement convertible : Une certaine catégorie de citoyens tunisiens qu’on peut décrire comme étant ‘’privilégiée’’ ont un accès libre à de la devise étrangère. Je fais allusion ici aux chefs d’entreprises, résidents étrangers, diplomates et certains hauts fonctionnaires. Cette catégorie de tunisiens dispose d’une liberté monétaire quasi illimitée. Ils peuvent posséder des dollars, des euros et ont la possibilité de transférer leurs fonds partout dans le monde et en toute légalité. On peut en conclure, que pour cette catégorie de Tunisiens, le dinar est librement convertible.

Contrairement à ce petit groupe d’avantagés, la grande majorité des tunisiens, (les salariés, les petits entrepreneurs, petits fonctionnaires, artisans, tunisiens moyens, chômeurs etc.) n’a pas le droit de posséder des devises étrangères. Par conséquent, ils ne peuvent ni effectuer des achats sur internet ni investir à l’étranger.
Certes il existe quelques exceptions à la règle, où la banque centrale permet à certains particuliers de posséder des devises étrangères (Allocation touristique, dépenses liées à la santé, transferts de frais scolarité, etc.). Mais les procédures administratives restent extrêmement longues et complexes.

Cette majorité de tunisiens ne jouis donc presque d’aucune liberté monétaire et financière. Majoritairement, les Tunisiens sont ainsi largement pénalisés, spécialement quand le dinar tunisien baisse en valeur. (Leurs actifs sont essentiellement indexés en dinar). Ils se font saigner à blanc par l’inflation sans aucun moyen de se protéger.

Ce que la banque centrale propose aux internautes réclamant l’accès à PayPal, c’est simplement de rallonger la liste des privilégiés, pour y inclure quelques Internautes free lancer, e-trader, etc. (Tout ceci moyennant bien évidemment un dossier bien garni ‘’Matlab’’, des procédures administratives interminables et un plafond en devise à ne pas dépasser)

À mon avis, il est nécessaire de comprendre, que les lois de changes en vigueur dans notre pays s’opposent à un droit fondamental : le droit de propriété.
Ce que je trouve particulièrement injuste dans ce système, c’est que l’État tunisien se permet de discriminer entre deux catégories de citoyens : les privilégiés et les autres. Certains disposent pleinement d’une liberté financière tandis que la majorité en est dépourvue.
Les Tunisiens qui ne font pas partie de l’élite risquent des sanctions très lourdes s’ils essaient de se procurer des devises sans passer par la banque centrale (le circuit financier classique).

Dans un pays libre, le droit de propriété devrait être respecté sans considérer le statut social ou la situation professionnelle. Chaque citoyen doit pouvoir disposer librement de ses fonds (propriété privée). Une fois ses devoirs fiscaux acquittés, libre à lui de dépenser son argent comme bon lui semble, (se procurer des devises étrangères, investir, acheter sur internet etc.).

Malheureusement, en Tunisie, on a encore du mal à faire la différence entre propriété privée et propriété collective. L’argent des citoyens tunisiens n’appartient pas au peuple, à la société et encore moins à l’État. Les citoyens sont les seuls responsables de leurs avoirs, c’est à eux et non pas à l’Etat qu’incombe la tâche de les gérer.

Les choix que font les Tunisiens en matière de consommation sont une forme d’expression. Interdire à certains la possession et la négociation des devises (euro, dollar, yen) c’est leur interdire de faire des choix et d’émettre des opinons. Les devises étrangères ne sont qu’un produit de consommation comme un autre. L’actuelle loi de change est intrinsèquement inégalitaire et discriminatoire car elle garantie le droit de propriété à certains et l’interdit à d’autres. Ce qui équivaut à garantir la liberté d’expression pour quelques citoyens et pas aux autres.

banque-centrale-PAYPAL-TUNISIELa libre convertibilité du Dinar : point de vue économique.

Les questions économiques concernant la libre convertibilité du dinar sont plus complexes. Je vais essayer de casser quelques mythes véhiculés par nos économistes et administrations tunisiennes depuis l’indépendance.

● La libre convertibilité mènerait à un effondrement du dinar tunisien.
● La libre convertibilité risquerait d’accroitre la fuite des capitaux.
● La libre convertibilité constitue un risque pour les réserves en devises de la banque centrale.
● Nous n’avons pas une économie assez forte pour nous permettre une libre convertibilité du dinar.

1 La libre convertibilité mènerait à un effondrement du dinar tunisien

Pour contredire ces dires, il faudrait revenir quelques années en arrière et étudier un tant soit peu l’historique du dinar ainsi que sa valeur dans le temps. Le dinar tunisien a vu le jour en 1958, si on se base sur sa page Wikipédia, ce dernier valait 2,11588 d’or (en 1958). Un dollar Us (1958) valait 1,23 gramme d’or. Ce qui donne un taux de change dollar/dinar de 1.72 Dollar Us pour un Dinar Tunisien. (Non vous ne rêvez pas, 1958, le Dinar Tunisien valait plus que le Dollar US). Aujourd’hui 1 dinar tunisien vaut 0.58 dollar US. Ceci est une dépréciation de presque 400% en 56 ans. D’après ces chiffres, on peut constater que la non convertibilité du dinar n’a pas permis la protection du dinar. Le Dinar tunisien, comme la majorité des devises des pays du tiers monde, a été une de vise typiquement inflationniste qui n’a jamais cessé de perdre de sa valeur depuis sa création.

2 La libre convertibilité risquerait d’accroitre la fuite des capitaux

Voila la liste des pays qui, comme la Tunisie, appliquent des restrictions sur l’achat et la vente de devises étrangères. Cette liste comprend l’Argentine, le Venezuela, la Corée du nord, le Pakistan, Sri Lanka et le Soudan. Ces pays sont surtout connu pour avoir une inflation très élevée et souffrent de fuites de capitaux chroniques, malgré les restrictions de changes très sévères. À tout cela se rajoute un marché noir ou les devises étrangères se négocient avec des primes allant jusqu’à 50 % au dessus du prix officiel. La Tunisie souffre des mêmes problèmes, voilà un exemple du prix de l’euro qui se négocie au noir sur Facebook : À la date du 25 octobre 2014, un euro sur la plateforme Neteller coutait au Tunisiens 3.5 dinar, le cours officiel à cette date était au alentour de 2.3 dinar pour 1 euro. Ce qui donne une prime d’a peu près 52% au dessus du prix officiel. (Le Tunisien moyen, doit donc payer 50% plus cher pour acquérir un petit montant en euro)

À L’extrême opposé des pays cités plus haut, on trouve : Singapour,HongKong, la Suisse, Dubaï, la nouvelle Zélande, l’Australie. Ces pays garantissent pleinement à leurs citoyens la libre convertibilité de leur devise. C’est dans ces pays là où la fuite des capitaux est moins présente, il y a également moins d’inflation et leurs devises ont tendance à plus s’apprécier.Afin de bien comprendre, rappelons une petit vérité: si le gouvernement me permettait de posséder librement des devises étrangères, d’investir à l’étranger (fond d’investissement) à partir de mon pays d’origine, pourquoi songerais-je à faire fuir mon argent à l’étranger?
C’est justement en interdisant aux citoyens d’acquérir librement des devises qu’on les incitera à faire fuir leurs capitaux.

L’histoire prouve que les pays qui ont des devises non-convertibles sont les pays qui souffrent le plus des fuites des capitaux, d’inflation et de dépréciation de leur devise.

Je pense qu’il est très utile de rappeler que pour les grands détenteurs de capitaux, le dinar est librement convertible. Ceux qui vont profiter de la libéralisation du dinar sont essentiellement les tunisiens moyens ou pauvres, qui de toute façon ne détiennent pas de sommes considérable. La fuite des capitaux est essentiellement l’oeuvre des tunisiens aisés, qui disposent de plus gros montants.

3 La libre convertibilité constitue un risque pour les réserves en devises de la banque centrale

Le problème avec cet argument, c’est qu’il cache une réalité bien amère pour les tunisiens. Dans ce modèle hyper centralisé auquel les tunisiens sont soumis, une seule et unique institution est en charge de détenir les réserves en devise de dix millions de tunisiens. (Pas étonnant que les réserves de la banque centrale soient systématiquement dans le rouge). Si nous vivions dans un pays réellement libre, où chaque citoyen serait responsable de sa propre réserve en devise, on n’aurait guère à nous soucier de ce que la banque centrale détient dans ses réserves en devises étrangères.

4 Nous n’avons pas une économie assez forte pour nous permettre une libre convertibilité du dinar

Cela fait une trentaine d’année que les technocrates qui ont gouvernés la Tunisie depuis l’Indépendance nous ressortent le même argument. À chaque fois que l’on évoque la question de la libre convertibilité du dinar, on prétexte que notre économie n’est pas assez forte. Cela fait aussi une trentaine d’années que l’on attend que l’économie s’améliore, pour qu’on puisse enfin jouir d’une devise librement convertible. Malheureusement pour nous, l’économie ne s’améliore pas malgré les restrictions de changes. Les citoyens tunisiens continuent à être privés de leurs droits économiques les plus élémentaires.

Ce que je trouve aberrant, c’est qu’il n’est jamais venu à l’esprit de nos bureaucrates, que c’est peut être le contraire qu’il aurait fallu faire. L’économie tunisienne a du mal à progresser précisément parce que les citoyens tunisiens ne jouissent pas assez de libertés économiques (ce qui inclus une libre convertibilité du dinar).

J’ai là l’indice mondial des libertés économiques dans le monde, par pays. Ce qu’on remarque, c’est qu’il y a une corrélation presque absolue entre libertés économiques et progrès social. En tête du classement on trouve des pays comme la Suisse, Singapour, Hong Kong, l’Australie et la nouvelle Zélande.
En fin de classement on trouve Cuba, la Corée du nord, le Zimbabwe, le Vénézuela… Tous ces pays appliquent des lois très restrictives en matière de contrôle des changes et n’accorde presque aucune liberté économique à leur citoyen.

Les libertés économiques (qui incluent une devise libre et convertible sans restrictions) sont une condition et non pas un résultat du développement économique.

Le Cas de La Tunisie : Un paradoxe

Le cas de la Tunisie est très paradoxal. C’est un pays où les citoyens jouissent de libertés sociales quasi-inégalées dans le monde arabe. La liberté de culte et la liberté d’expression sont garanties par l’État.
L’homme et la femme sont relativement égaux en droit. L’État tunisien est un État séculier ou religion et politique ne se confondent pas (où du moins ne sont pas supposés). Mais dès qu’il s’agit de libertés financières et économiques, ce pays se transforme en une véritable prison à ciel ouvert.
L’Arabie saoudite, connue pour ses lois extrêmes et liberticides en matière de libertés de culte et de droits des femmes, est plus libre et plus ouverte que la Tunisie en matière de liberté économique. Dans ce pays, chaque citoyen à le droit d’envoyer et de recevoir librement de la devise de part et d’autre du monde.

Paypal constitue le premier test pour le gouvernement en matière de paiement sur internet. Pour le gouvernement, le cas Paypal a été assez simple à résoudre. Après tout paypal peut-être considéré comme une simple banque détenant des liquidités en devises étrangère. Il suffisait pour le gouvernement d’appliquer à peu près les mêmes lois en vigueur actuellement, et le tour et joué !
Mais l’Internet est un gigantesque réservoir d’innovations. Les moyens de paiements sur internet évoluent de jour en jour et deviennent de moins en moins contrôlable et régulable.
Bitcoin fait partie de ces nouvelles innovations en matières de paiement, il s’agit d’une devise à part entière (comme l’euro le dollar, ou le dinar tunisien). Celui-ci circule librement sur internet, sans banque centrale pour en réguler l’émission ou le prix. C’est ce qu’on appelle une devise décentralisée.

Voilà un article que j’ai écrit qui expose en détails le fonctionnement de cette technologie ainsi que ses applications en Tunisie. Comme je l’avais expliqué dans cet article, il est impossible pour qui que ce soit (y compris le gouvernement) d’en limiter l’usage.

Internet dématérialise les capitaux et les décentralise. Il est nécessaire pour le gouvernement tunisien de comprendre que son pouvoir est extrêmement limité face au pouvoir d’internet. Il ne pourra plus éternellement compter sur la loi de change actuelle pour réguler tous les flux de capitaux entrant et sortant du pays.

Quand l’autre Egypte manifeste: Jour tranquille à Matariya

samedi 31 janvier 2015, par Alain Gresh

Vendredi 30 janvier. Matariya, au nord-est du Caire. Un quartier populaire, pauvre, pas misérable. Mini-bus et tok-tok — ces motos avec passagers — s’arrêtent, embarquent et débarquent les voyageurs, sans que la moindre règle du code de la route ne soit respectée. C’est jour férié. A midi, comme dans toute l’Egypte, une grande partie de la population se rend à la mosquée pour célébrer en commun la prière. Le temps est beau, venteux et frais. Des deux côtés d’une grande avenue appelée Hourriya (Liberté) s’élèvent de petits immeubles de deux ou trois étages. Un dédale de ruelles, de deux ou trois mètres de large, et non pavées bien sûr, permet de pénétrer au cœur du quartier. Sur la place centrale, autour de la mosquée principale, des véhicules blindés avec leurs policiers cagoulés ; un officier en civil déambule avec un drôle de pistolet, dont le fût de presque un mètre de long fait penser à un mauvais western. Mais celui-ci peut tirer des balles réelles. Les passants semblent ignorer la présence des forces de l’ordre.

Lire « En Egypte, “ceux d’en haut, ceux d’en bas” », Manière de voir, juin 2014.Ici, comme partout, il ne manque pas de petites mosquées. Devant l’une d’elles, au coin de l’avenue, les fidèles écoutent le sermon de l’imam (désormais sévèrement contrôlé) et achèvent leur prière, certains dans la rue, après avoir étendu par terre qui un journal, qui un tapis. A la fin, presque immédiatement, alors que s’écoule le flot des fidèles, des cris éclatent et un rassemblement de deux ou trois cents personnes se forme. Les participants, pour l’essentiel des hommes, sont jeunes, déterminés, joyeux pour certains de pouvoir s’exprimer. Un groupe de femmes, jeunes elles aussi, criant des slogans, les encourage. Certains font le « R4bia » (« quatre »), le signe de ralliement des Frères musulmans ; un seul arbore le portrait de Mohammed Morsi, le président déchu. L’atmosphère bon enfant ne doit cependant pas faire illusion. Ici, tout le monde sait que la police peut tirer à tout moment, avec l’intention de tuer ; que la balle d’un sniper peut foudroyer quelqu’un ; qu’un policier en civil peut dégainer son arme et abattre un manifestant sans autre forme de procès. Les souvenirs de la semaine précédente hantent encore les mémoires.

Les 25 et 26 janvier, pour le quatrième anniversaire de la révolution, le quartier a connu une sorte d’Intifada. Il a totalement échappé aux forces de l’ordre. Celles-ci ont bien essayé de poursuivre et d’arrêter les manifestants, mais elles se sont retrouvées coincées dans l’enchevêtrement des passages. Il a fallu quarante-huit heures et une quinzaine de morts pour ramener « l’ordre ». Une camionnette Chevrolet, avec de multiples impacts de balles, trône encore sur la place. Comme d’habitude, les médias privés et officiels ont accusé les Frères d’avoir tiré sur la police, et prétendu que la population locale s’était opposée aux manifestants. Il faut lire les journaux en ligne en anglais pour avoir un son de cloche légèrement différent (Adham Youssef, « The Republic of Matariya », Daily News Egypt, 26 janvier.) En fait, comme je peux le constater aujourd’hui, l’attitude de la population oscille entre sympathie, applaudissements et indifférence. On n’entend aucun commentaire favorable au régime. On ne sent pas la présence des moukhabarat, la redoutable police secrète, comme si le pouvoir avait renoncé à un contrôle total de cette partie insoumise du territoire. Plus décisif pour lui est ce qui se passe dans le centre-ville, sous les yeux des médias internationaux.

C’est en plein centre-ville que la militante Shayma Al-Sabbagh a été tuée de sang-froid par un officier. Ce meurtre a été filmé en direct et le visage lumineux de la victime a fait le tour du monde. C’est sans doute pourquoi la manifestation d’hommage en son honneur, bien qu’ayant été interdite, a été tolérée (« Women’s rally against activist’s death in downtown Cairo ends peacefully », Madamasr, 29 janvier) — une des participantes rapporte quand même qu’un officier l’a abordée en lui disant : « nous vous tuerons ». Même le directeur du quotidien gouvernemental Al-Ahram s’est fendu d’un long texte pour regretter la mort de Shayma (Ahmed El-Sayed Al-Naggar, « Shaimaa’s blood : The jeopardised dream between state and revolution In Egypt », Ahramonline, 28 janvier). En revanche, la quinzaine de tués de Matariya — vingt-deux, selon les résidents — n’ont pas de visage. Eux sont pauvres et — circonstance aggravante — peut-être islamistes !

Les événements sanglants de la semaine précédente ne semblent impressionner ni les jeunes gens ni les jeunes filles (toutes voilées bien sûr, mais pas moins courageuses pour autant). Les slogans sont lancés au rythme des mains qui claquent, avec une inventivité qui rappelle celle de la révolution de janvier-février 2011. Des mots d’ordre confirment la présence des Frères, d’autres rappellent plutôt les mobilisations des Ultras, ces groupes de supporteurs des équipes de football qui continuent de jouer un rôle actif dans la contestation du régime militaire. Tout le monde ici est uni par une haine chevillée au corps, fruit parfois de l’expérience des tortures des commissariats, de la police et de l’armée. Elle était un des moteurs de janvier-février 2011, elle le demeure.

« La police et l’armée, une seule main… sale » parodie le slogan du régime : « la police, l’armée, le peuple, une seule main ». La traduction ne rend pas toujours justice à l’humour de ces mots en arabe parlé égyptien. L’un des mots d’ordre chantés fait référence au fait qu’il suffit de 50% (soit dix sur vingt) au baccalauréat pour entrer à l’université de la police, contre 80 à 100% pour les autres universités. Et, dans un système corrompu, les « pachas » (officiers) accèdent ainsi à l’éducation et aux diplômes ! Un autre fait référence aux corbeaux qui se sont sont « installés dans nos maisons ». « Officier, pourquoi as-tu tué ma sœur ? », proclame un troisième slogan.

Au bout d’une vingtaine de minutes, se profilent les véhicules blindés des forces de l’ordre. Sans panique, le cortège se replie dans les ruelles adjacentes, continuant à chanter. Une jeune femme, tout en orange, prend des photos. On entend aussi des slogans religieux : « Une nation dont le symbole est le Prophète ne sera jamais à genoux. » La police ne se hasardera pas à les poursuivre et, finalement, ici comme pour les autres manifestations qui sillonnent le quartier, tout se terminera dans le calme. Jusqu’à quand ?